Chapitre 24 : Le chef d'orchestre

72 5 10
                                    


Ce n'est qu'une âme corrompue, un ange déchu ayant détruit ses propres ailes.


Eden

L'orage repris, la pluie frappe le sol avec une force insoupçonnée. Assis face à l'instrument je prend une grande inspiration.

Et doucement, les images de mon existence s'animent sur les touches bicolores.

Les premières notes surgirent comme des murmures du passé, douces et mélancoliques, et je me laisse emporter par leur étreinte.

La vie d'avant, lorsque que nos choix nous semblaient juste.

Alors, une mélodie jaillit comme une lame acérée, tranchant l'air et ouvrant des plaies que je n'osais soigner.

Dans la toile noire de mes pensées. Le piano, fidèle témoin de nos péchés, crie avec le tonnerre, sa voix métallique et lugubre se mêlant à la colère du ciel.

Chaque années se ressemblent, se finissent puis recommencent, le temps n'existe plus.

Mon jeu devint plus intense, les harmonies devenant plus complexes. Les dissonances, bien que teintées d'angoisse, semblaient apporter un certain réconfort, comme si elles m'aidaient à donner forme à mes démons intérieurs, à les apprivoiser.

Je t'en veux comme j'en veux à moi-même.

Mes mains martèlent les touches, cherchant à arracher de l'instrument une vérité cachée, un exorcisme musical.
Les dissonances se mêlent aux harmonies, créant une cacophonie envoûtante qui semblait ébranler les murs de ma prison mentale.

Mes yeux fixant un point au loin, je ne prête même plus attention à mes doigts frappant l'instrument, ceux-ci se crispent, se tordent. La douleur est couverte par le son du piano, celui-ci servant à faire fuir les démons qui semblent roder dans ce palais.

Mes dents grincent, la mélodie commence à perdre pied, elle supplie d'être achevée. Ma gorge est sèche, mes yeux, humides.

Alors je frappe les touches, mes phalanges rougissent alors que la rage coule à travers les notes dissonantes. Dans ce rythme effréné mon cœur semble servir de métronome tandis que les vibrations passent à travers mes doigts presque écorchés.

Dans sa jalousie l'orage frappa plus fort mais je n'ai le temps de rétorquer qu'une voix au loin semble déchirer la violente mélodie ;

Eden.

La cheffe d'orchestre.

Ses grands yeux me sondent, j'ai même l'impression qu'ils me touchent tant ses pupilles sont dilatées. Aucune émotion n'est visible sur son visage, et tel un monstre dans l'obscurité de cette immense pièce, je ne vois que ses yeux.

Les miens se reportèrent sur mes mains, des traces bleutées teintent mes doigts.

Un sourire vide étira mes lèvres alors que je tonne ;

Jouer jusqu'à t'en arracher les doigts, c'est ce que tu as fait pas vrai ?

Puis levant le regard, mon souffle se coupa aussitôt dans ma poitrine. Je ne sais comment elle a pu se déplacer aussi vite, la voici maintenant face à moi, assise sur le piano.

Ses cheveux bruns, longs et bouclés, tombaient comme une cascade sombre encadrant son visage à la peau mate, une toile délicate qui contrastait avec la noirceur de sa robe. Ses yeux, grands et entourés de longs cils pointus sont surmontés de sourcils épais, 

Ses yeux semblaient percés par la lueur de l'enfer.

J'ai joué à tellement de jeux. Souffla-t'elle doucement, m'observant comme si elle pouvait lire dans mon âme.

𝐁𝐞𝐡𝐢𝐧𝐝 𝐌𝐲 𝐄𝐲𝐞𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant