Chapitre 8 - La double vie de Juli n'est pas un long fleuve tranquille

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Après une semaine seulement, j'ai déjà la sensation que ce travail me pousse dans des retranchements insoupçonnés. Moi qui avais l'habitude de fréquenter les salons de coiffure en tant que cliente, me retrouver à y travailler est assez déroutant. Et en même temps, j'y trouve un côté... soulageant. C'est comme si, en poussant la porte de ce salon, je mettais mon quotidien et mes soucis entre parenthèses pour endosser un tout autre rôle.

Je m'habitue petit à petit à mon nouveau quotidien. Pour assurer la survie de mes pieds, je troque dès le deuxième jour mes élégantes sandales à lanières montantes contre une vieille paire de baskets. Le troisième, c'est au tour de mes jupes de céder leur place à des leggings plus confortables. N'ayant à ce jour toujours pas trouvé de solution pour faire réparer ma voiture sans avoir recours à un prêt à la consommation, je me contente de la saluer tous les matins en passant devant le trottoir où elle gît encore, juste devant le salon de coiffure. Je devine que pour le moment, il va falloir me contenter du recoge locos de Brian. En l'empruntant, j'y ai recroisé Destiny et son bébé, ainsi que l'ado de la dernière fois, Kimberley, qui s'était étonnamment éclairci et lissé les cheveux. J'espère qu'elle n'a pas l'intention de copier mon style vestimentaire, qui est clairement en chute libre.

Pendant que Luisa se fait un café, je ne perds pas de temps et commence à disposer produits et ustensiles sur les différents postes. Mon regard s'attarde un instant sur le shampoing que j'avais l'habitude d'utiliser, à l'extrait de fleur de carthame. Un shampoing hors de prix, mais qui me faisait les cheveux si doux... Prise de nostalgie, j'ouvre le flacon pour humer son arôme riche aux notes de noisette si caractéristiques.

— Salut, je suis de retour !

Cette exclamation suraiguë rejoint l'affreux son de clochette de la porte d'entrée et manque de me vriller les tympans. En me tournant, je découvre une pétillante jeune femme sur le palier. Au moins, ce n'est pas cette mégère de Señora Caterina. Déjà que je dois me la coltiner ce soir pour rédiger sa stupide lettre...

— Mari, te voilà ! Alors, ces vacances ?

Comprenant qu'il s'agit de ma collègue, je me redresse et arbore un sourire poli. Ma supérieure, qui semble réellement l'apprécier, abandonne son sacro-saint café sur le coin d'une table pour accourir vers elle.

— Oh, si tu savais, Luisita. Elles m'ont fait un bien fou !

— Ah, super, tu pourras nous offrir un peu de ton énergie, alors.

Doña Luisa se tourne vers moi, avant d'ajouter :

— Je te présente Juliana, notre nouvelle recrue.

La stupéfaction de Mari est telle que j'ai l'impression que la gérante vient de lui annoncer qu'elle a poignardé quelqu'un avec une brosse à cheveux.

— Mais non ! Tu as réussi à trouver quelqu'un ?

Pour seule réponse, la gérante arbore un air triomphant.

— On cherche depuis des mois... m'explique ma nouvelle collègue. Luisa est très exigeante, alors tu as vraiment dû lui plaire. Ravie de te connaître, Juliana. Moi c'est Mariana, mais tout le monde m'appelle Mari.

Mon regard se perd quelque part entre son haut rose fluo orné de centaines de petits cœurs et sa jupe bariolée de rayures multicolores. Cette Mari a l'air sympathique, mais heureusement que je ne suis pas épileptique.

— Plaisir partagé. Et moi, tout le monde m'appelle Juli.

— Mari et Juli, Juli et Mari... Ah, ça sonne si bien. A croire que vous étiez destinées à travailler ensemble !

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant