Les heures et les jours qui suivent notre pèlerinage sont longs, extrêmement longs. Après un long moment passé à prier dans la chapelle, nous avons dû nous rendre à l'évidence : Ana n'était pas non plus au Cerro de la Popa.
De nous trois, Maria Carolina était de loin la plus inquiète : si la matinée a été longue pour moi, je n'ose même pas imaginer pour elle. Elle était persuadée qu'il lui faudrait attendre plusieurs jours avant de déclarer la disparition d'Ana, mais lorsque je lui ai signalé que le Processus de Recherche d'Urgence pouvait être déclenché sans délai d'attente, elle n'a pas hésité et s'est rendue le soir même au poste de police. Nous l'avons accompagnée et avons témoigné tour à tour pour dresser au mieux le contexte de la disparition d'Ana. Après avoir écouté attentivement, les policiers ont lancé la procédure.
Depuis, deux jours se sont écoulés, les plus longs que j'ai vécus depuis longtemps. Maria est retournée au moins dix fois au commissariat pour demander où en était l'enquête. Les deux fois où je l'ai accompagnée, les policiers lui ont répété qu'elle pouvait en suivre l'avancée sur le net, sur ce qu'ils appellent « le réseau des disparus et des cadavres ». Avec un nom pareil, tu m'étonnes qu'elle n'ait pas envie de le consulter... Sara, de son côté, s'efforce de faire preuve d'optimisme et nous répète qu'Ana va certainement rentrer avec une histoire farfelue justifiant cette absence. Je ne sais pas si elle y croit vraiment, ou si elle tente de s'en persuader.
De mon côté, c'est comme si la disparition d'Ana avait complètement brouillé la frontière entre mes cauchemars et la réalité. Les bruits entendus la nuit, le parfum de Santiago, les paroles d'Eugenia... Tout tourne dans ma tête en permanence, si bien que je finis par avoir du mal à y voir clair. Chaque fois que je parviens à m'évader un peu, en étant plongée dans une tâche au salon ou en riant à l'une des blagues de Mari ou Luisa, la culpabilité me rattrape. Je n'ai pas le droit de me distraire alors que mon amie a disparu et que personne n'a la moindre idée de ce qui a pu lui arriver. Entre son absence et le départ de ma mère, je commence à croire que la vie a décidé de s'acharner en l'espace de ces quelques jours.
— Juli ?
Tirée de mes sombres pensées par la voix de la cliente dont je suis en train de rincer les cheveux, je sursaute.
— Oui, pardon ?
— Je vous disais que l'eau était trop chaude.
— Oh, je suis désolée, balbutié-je en baissant aussitôt la température du jet.
— De toutes façons, je pense que la Señora n'a plus la moindre trace de shampoing dans ses cheveux, Juli, me rappelle gentiment Luisa depuis le bac voisin. Ça fait au moins dix minutes que tu la rinces.
Gênée, je coupe l'eau et m'empresse de frictionner les cheveux de ma cliente, avant de l'envoyer vers l'un des postes de coiffure vacants. Au même moment, la voix qui émane du poste de radio capte mon attention :
« Chers auditeurs de La Voz del Caribe, un message rapide pour signaler, si vous ne l'aviez pas suivi, la disparition d'Ana Lucia Girault. Cette jeune employée de l'hôtel Color Caribe est portée disparue depuis samedi dernier. Si vous entendez ou voyez quoi que ce soit d'anormal, n'hésitez pas à vous rendre au poste de police le plus proche. »
— Une annonce a été diffusée sur La Voz del Caribe ? demandé-je à Luisa d'un air surpris.
— Oui, je l'entends tourner depuis hier, m'affirme-t-elle. Tu n'y avais pas fait attention.
Perplexe, je secoue la tête puis commence à rincer mes mains. Moi qui comptais justement en parler à Hector, on dirait qu'il m'a devancée.
J'ai encore le regard dans le vague lorsque ma patronne s'approche de moi.
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Le parfum des ennuis
ChickLitJe n'ai jamais été du genre à me laisser dépasser par les évènements. Même lorsque ma mère débarque chez moi en m'annonçant que mon père l'a mise dehors, que je me retrouve sans un sou et contrainte de mettre mes projets de carrière en pause pour tr...