Chapitre 6 : La sagesse se cache parfois là où on ne l'attend pas

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Je ne pensais pas me retrouver un jour à postuler pour un job alimentaire. Ça peut sembler présomptueux mais, avec un père aussi riche que le mien, cette idée ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Je m'imaginais plutôt candidater dans un prestigieux cabinet d'avocats. Plus qu'un gagne-pain, j'ai toujours vu le travail comme une manière d'œuvrer selon mes valeurs.

Comme quoi, à tout moment, la roue peut tourner.

— Vous voulez un café ?

J'ai à peine le temps de franchir la porte du salon de coiffure La Esperanza que cette question (ou est-ce une affirmation ?) me tombe dessus. La quadragénaire aux cheveux peroxydés qui s'adresse à moi ne s'est même pas présentée. Je n'ai pas l'habitude de boire de café passées dix-sept heures car la caféine m'empêche de dormir, mais je n'ose pas refuser. Lorsqu'elle disparaît, je consulte ma montre en triturant nerveusement l'une de mes longues mèches de cheveux. Dix-huit heures trente. Il n'y a pas l'ombre d'un client, le salon doit avoir fermé ses portes.

Ce n'est qu'une fois sortie d'une pièce attenante avec deux tasses en main qu'elle se présente :

— Juliana Suarez, c'est ça ? Je m'appelle Luisa, je suis la gérante du salon.

Wow, j'ai donc directement affaire à la big boss... Il va falloir que je fasse bonne impression. Lorsqu'elle me tend ma tasse, je lui adresse mon plus beau sourire d'élève modèle.

— C'est bien moi. Enchantée, Luisa.

La gérante s'adosse à l'un des postes de coiffure et saisit mon CV entre ses doigts parfaitement manucurés. Cette proposition d'entretien m'a surprise : en diffusant mon annonce hier sur une plate-forme de recrutement, je ne pensais pas avoir un retour si rapide.

Après quelques secondes, Luisa finit par poser la feuille sur l'un des postes de coiffure.

— Pour être tout à fait honnête, je n'ai pas l'habitude de me pencher sur ce type de document.

Ses mots me laissent perplexe. Je me demande sur quoi elle s'est basée pour me proposer un entretien dans ce cas, étant donné que ce CV est tout ce que j'ai déposé sur le site de recrutement. Gardant mes questions existentielles pour plus tard, je me contente de répondre :

— Pas de problème. Dans ce cas, comment voulez-vous procéder ?

— Si je vous ai contactée, c'est parce que nous avons besoin de renfort au salon. Quelqu'un qui s'occupe de la prise en charge des clients, du nettoyage... Des manucures aussi, pour nous décharger un peu. Est-ce que ce serait dans vos cordes ?

Un peu déroutée par la simplicité de cette proposition, je m'empresse d'acquiescer.

— Oui, bien-sûr ! J'ai de l'énergie à revendre, vous pouvez compter sur mon efficacité.

Si l'on m'avait dit que je serai un jour enthousiaste face à l'idée de poser du vernis bas de gamme et de balayer des cheveux toute la journée, je ne l'aurais jamais cru.

— Dans ce cas, vous pourriez être la personne qu'il nous faut. Quand seriez-vous disponible ?

— Dès maintenant.

Ma réponse un peu trop rapide trahit mon désespoir, mais la gérante ne s'en formalise pas.

— Parfait, dans ce cas, je peux vous donner rendez-vous demain matin. Nous sommes ouverts de huit heures à dix-huit heures tous les jours. J'aime me fier au feeling, alors vous n'aurez qu'à faire la journée en guise de test et, si tout se passe bien, je vous embaucherai.

Ce n'est qu'à la fin de son offre que je réalise que nous avons omis un détail crucial.

— Par contre, je ne pourrais pas être disponible toute la journée... précisé-je en me triturant les mains. Je suis étudiante en droit, alors je pensais plus à un appui ponctuel, sur des demi-journées par exemple, pour suivre mes cours en parallèle.

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant