Chapitre 18 - Une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule

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La dernière chose sur laquelle j'imaginais tomber en poussant la porte de chez moi, c'est ma mère en train de m'attendre.

— Maman ?

Assise les jambes croisées sur le fauteuil du salon, chaque bras reposant sur un accoudoir, elle me fixe d'un air impassible. Sa posture me donne l'impression d'être une ado surprise en flagrant délit en train de faire le mur.

— Juli.

Le silence qui suit son interpellation paraît interminable. Comprenant que nous risquons d'en avoir pour un moment, je dépose mon pack de rouleaux de papier toilette sur le sol.

— Tu n'aurais pas quelque chose à me dire, par hasard ?

Sa phrase accélère mon pouls. Nul besoin qu'elle en dise plus, je sais déjà parfaitement à quoi elle fait référence. Mais, pour une raison qui me dépasse, une partie de mon cerveau continue d'être dans le déni le plus total.

— De quoi tu parles ?

— J'ai croisé Graciela Del Castillo au supermarché, tout à l'heure.

Je fronce les sourcils. J'ai beau me creuser la tête, ce nom ne m'évoque absolument rien.

— D'accord... Elle allait bien ?

— Elle en avait tout l'air. Je ne l'avais pas vue depuis des années. Tu peux imaginer ma surprise lorsqu'elle m'a affirmé qu'elle s'était faite coiffer par ma fille la semaine dernière...

Ses paroles s'effondrent comme un boulet de démolition sur ce que je m'évertuais à construire depuis des semaines, mais je prends sur moi pour ne pas laisser mon visage se décomposer. Mon corps en alerte pulse du sang dans mes veines à la vitesse grand V tandis que les rouages de mon cerveau s'activent dans le but désespéré de me tirer de cette situation.

— Hein ? Mais enfin, pourquoi j'aurais coiffé cette dame ? tenté-je d'un air pantois. Ça fait des années qu'on a ne l'a pas vue, je ne sais même pas qui c'est. Elle a dû me confondre avec quelqu'un d'autre...

— Tu t'imagines que c'est bien la première chose que je me suis dit. Lorsque j'ai affirmé à Graciela qu'elle se trompait, elle a insisté et m'a donné le nom de ce salon de coiffure. Alors, à la fin de mes courses, je m'y suis rendue pour en avoir le cœur net...

Mes mains deviennent de plus en plus moites à mesure que je comprends que mes tentatives sont vaines. La tournure que prend ce récit ne me plaît pas du tout – pas plus que le fait d'avoir été balancée par une totale étrangère qui ne s'est même pas donné la peine de me saluer au moment où elle m'a reconnue.

— Là-bas, j'ai pu faire la connaissance de Doña Luisa et de... comment elle s'appelle, déjà... Mari ? Très sympathiques, toutes les deux. Je suis tombée des nues quand elles m'ont confirmé que leur dernière recrue s'appelait Juliana Suarez...

Prisonnière du regard cinglant de ma mère, je tente de me défendre :

— Maman, je...

— Alors là, non, pas de « maman » qui tienne ! Tu peux bien dire tout ce que tu veux, il n'y a rien qui puisse justifier que tu m'aies menti sur tes occupations depuis des semaines !

Je baisse les yeux, tandis que ma mère poursuit sa tirade :

— Nous avons tout mis en œuvre avec ton père pour que tu puisses suivre des études de droit, réaliser ton rêve et avoir un vrai travail et là, j'apprends que tu es en train de tout gâcher pour aller jouer à la coiffeuse dans les bas quartiers ? Et en plus, je l'apprends de la bouche d'une femme que je n'ai pas vu depuis des années ? C'est humiliant, Juli ! Humiliant !

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant