Chapitre 11 - Rien de tel qu'un bon litre de bière pour affronter ses finances

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« Le solde de votre compte est inférieur au plafond minimum. »

Cette alerte, avec laquelle je suis bien trop familière désormais, apparaît sur l'écran de mon téléphone comme un rappel de ma nouvelle condition de personne endettée.

— Fais chier, grommelé-je.

Ma paie vient pourtant de tomber. S'il y a bien un jour où l'on ne devrait pas avoir à se soucier de ses comptes, c'est bien celui-ci, non ? Visiblement, cette règle ne s'applique pas quand on s'appelle Juli et que l'on espère subvenir seule à ses besoins du jour au lendemain en travaillant dans un salon de coiffure. Le pire, c'est que je n'ai même pas commencé à mettre de côté pour rembourser l'argent que m'a prêté Maria Carolina.

— Tout va bien, Juli ?

— Oui, oui...

Ma réponse évasive ne semble pas convaincre ma collègue Mari, qui m'étudie d'un air soucieux. Elle a au moins la délicatesse de ne pas insister.

— Est-ce que tu veux un cupcake pour te redonner le sourire ?

Je n'ai pas le cœur de refuser le petit gâteau, dont le glaçage représente un emoji riant aux larmes. Alléchée par l'odeur de vanille qui en émane, je mords dedans.

— Au point où j'en suis, j'aurais surtout besoin d'un comptable, déclaré-je la bouche à moitié pleine. Est-ce que tu sais où je pourrais en trouver un ?

Je me fige en prononçant ces mots. En face de moi, Mari secoue la tête d'un air perplexe, mais je ne m'y attarde pas, car je sais ce que je peux faire. Si je n'ai aucune idée de comment m'y prendre pour gérer mes finances, c'est peut-être qu'il va me falloir l'aide de quelqu'un qui s'y connaisse mieux que moi...

Sans tergiverser davantage, je sors mon téléphone de ma poche et envoie un message à Rafael. Pour couper court au mystère, je lui propose de me retrouver directement au salon de coiffure. Sa réponse ne tarde pas.

« Je peux passer ce soir, après le travail. »

Je pousse un soupir, tiraillée entre le soulagement et l'appréhension. Lui faire part de mes dernières mésaventures ne m'enchante pas, mais c'est un effort qui en vaut la peine. La simple idée d'être accompagnée sur un domaine qui me dépasse et d'obtenir au passage un peu de soutien allège déjà une partie de mes craintes.

L'après-midi au salon se passe sans encombres. Le travail à trois ayant réduit la charge de chacune, Luisa et Mari me forment à certains soins spécifiques, comme la pose de vernis longue durée ou les permanentes bouclées. L'esthétique n'est pas vraiment le domaine où je cherche à développer mes compétences, mais cela me permet au moins de changer un peu du nettoyage et des shampoings.

— Et encore une journée de passée... Je suis lessivée.

Accroupie en train de ranger des produits dans un meuble sous vasque, je tourne la tête et me retiens de rire. Bras écartés et cheveux relevés en une espèce de choucroute informe, Mari gît dans l'un des fauteuils comme un pantin désarticulé.

— La reprise suite aux congés est toujours difficile, affirmé-je.

Le tintement criard de la porte nous interrompt.

— Bonsoir !

— Ah, Rafa ! Super, te voilà ! m'exclamé-je en me relevant d'une traite.

Le nouveau venu me détaille en souriant.

— Wow, Juli, c'est toi ? Je ne sais pas si je t'aurais reconnue en te croisant ailleurs...

Si cette remarque aurait pu sembler malvenue venant d'une autre personne, je vois bien qu'ici, ce n'est rien de plus qu'une gentille boutade. Je lui réponds en époussetant mon vieux t-shirt de sport d'un air pompeux :

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant