Chapitre 19 (1/2) - Au New York Paradise, tout peut arriver

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Assise sur le perron de l'entrée de Caterina, je termine de m'appliquer une nouvelle couche de rouge à lèvres à l'aide de mon miroir de poche. J'ai passé au moins une heure dans la salle de bain pour retrouver le teint d'une personne vivante, mais je suis plutôt fière du résultat. La teinte rouge vif de ma bouche contraste avec ma robe échancrée et mon blazer cintré, tous deux noirs. Pas ma combinaison la plus exubérante, mais je voulais rester sobre.

— Vous êtes sûre que cette robe me va ? J'ai l'impression d'avoir des boudins à la place des jambes.

Je replie mon miroir en soupirant avant de me tourner vers ma voisine, qui vient d'apparaître dans l'encadrement de la porte vêtue d'une robe grise on ne peut plus banale.

— Caterina, cette robe est très bien.

— Vraiment ? Je pense que le haut et la jupe étaient mieux. Je reviens, je vais me changer.

— Non !

Ce cri du cœur me surprend tout autant que ma vieille voisine, qui s'interrompt pour me fixer d'un air ahuri.

— C'est insupportable, vous n'arrêtez pas ! explosé-je. Ça fait trois quarts d'heure que vous changez de tenue pour finalement dire que la précédente était meilleure ! Alors écoutez-moi : Edelberto a visiblement été séduit par la photo que j'ai prise de vous et, ne le prenez pas mal, mais on ne peut pas faire pire. Il ne pourra qu'être agréablement surpris de vous rencontrer ce soir. Contentez-vous d'être un tant soit peu avenante et tout va bien se passer.

En prononçant ces paroles, je réalise que ce fait, supposé évident, est loin de l'être pour cette aigrie de Caterina.

— Baissez d'un ton, maugrée-t-elle. Pas besoin de réveiller tout le voisinage.

Pour seule réponse, je bondis du perron pour remonter la rue d'un pas ferme. Les lumières des bougies dansent sur le rebord des fenêtres et la musique bat encore les pavés en ce week-end festif, mais je n'y prête pas attention. J'ai l'impression d'être aussi butée qu'une ado en pleine crise. C'est terrible de voir à quel point certaines personnes peuvent réveiller le pire en vous.

Lorsque j'aperçois un petit véhicule jaune garé sur le bord de la plaza San Diego pour déposer un groupe de touristes, je m'empresse de lui faire signe.

— Taxi, s'il vous plaît !

Caterina me suit à bord pour donner l'adresse au conducteur. Je nous vois alors quitter la ville fortifiée et son ambiance de fête pour prendre la fameuse Avenida Santander longeant la mer... Sauf que, au lieu de nous diriger vers les quartiers nocturnes plus connus comme Bocagrande, nous allons à l'exact opposé. En nous voyant dépasser la zone de l'aéroport puis quitter la voie rapide pour prendre la direction de La Boquilla, je m'interroge.

— Il est où exactement, votre bal masqué ?

Caterina ignore ma question, je tente alors de coller mon nez à la vitre. Le défilé d'hôtels resort qui se disputent l'accès aux plages paradisiaques de la zone ne me dit rien. Nous finissons par dépasser ce quartier touristique pour rejoindre des routes cabossées et poussiéreuses longeant des kilomètres de plages. Je tente d'y voir quelque chose mais, en l'absence d'éclairage public, je ne parviens qu'à distinguer quelques cabanons au toits en paille délabrés. Je commence à me demander si Caterina s'est faite convier à une rave-party à son insu, quand le taxi s'arrête.

— Nous y sommes, annonce le conducteur.

Ma fenêtre n'ouvrant que sur l'obscurité la plus totale, je me retourne pour observer du côté de Caterina. C'est là que je le vois. Le New York Paradise. Une espèce de salle des fêtes saturée de décorations criardes dont les grosses lettres en néon auraient tué n'importe quel épileptique. Une hérésie au milieu de ce décor si paisible, et certainement le dernier endroit où je me serais rendue de mon plein gré.

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant