Chapitre 17 - Un achat de papier WC peut parfois s'avérer plus délicat que prévu

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Suite à cette visite avortée dans l'antre du mysticisme, je passe le reste de la journée à errer à travers la ville. Je vais jusqu'au bord de mer, je longe la plage. Puis je m'achète un casse-croûte à un stand de rue, je m'assois sur la muraille près du port et regarde les bateaux partir en me repassant le film de cette consultation.

Je ne sais pas ce qu'il m'a pris, faire appel à ce genre de pratiques n'est pas mon genre. Maintenant, je n'arrive plus à me débarrasser du regard flippant d'Eugenia. Je n'ai jamais été très à l'aise avec ces délires occultes et aujourd'hui plus que jamais, je ne comprends pas comment font Sara et Ana pour y croire.

Lorsque le soleil se fait plus intense, je cherche refuge dans les petites rues de la ville fortifiée. Je m'arrête à un café, j'essaie de deviner l'histoire des passants que je croise, je fais tout pour tenter de retrouver la vie simple que je menais avant que toutes ces embrouilles ne bousculent mon existence.

Mes déambulations finissent par me mener au pied de la fameuse Juancho Super-tienda aux alentours de seize heures. L'enseigne mettant en scène un portrait du commerçant sur fond explosif me renvoie plusieurs mois en arrière et, non sans nostalgie, je me remémore l'insouciance de l'époque où nous nous donnions rendez-vous ici pour aider Ana à retrouver sa mère biologique.

Je soupire en esquissant un sourire, lorsqu'une idée me frappe. Je sais que les avertissements d'Eugenia sont tirés par les cheveux mais, si je veux en avoir le cœur net, il me suffit d'aller interroger Juancho. Au-delà de son appétence pour les commérages, sa casquette de commerçant fait qu'il entend tout. Si quelque chose de louche se trame dans le quartier, il sera le premier à le savoir.

Sans réfléchir davantage, je pénètre dans le magasin. Avant de commencer à regarder les étalages, je plonge ma main dans ma poche. Il ne me reste plus que quelques pièces, pas de quoi faire une razzia dans son épicerie. Comme je ne roule pas sur l'or et que je ne peux pas me permettre d'acheter n'importe quel objet inutile, je me rabats sur un pack de rouleaux de papier toilettes en promotion avant de me diriger vers le comptoir.

— Salut, Juancho ! m'exclamé-je avec entrain.

Mi hermosura ! Je ne t'ai pas vue depuis un moment. Comment ça va ?

Je secoue la tête d'un air désabusé en déposant ma monnaie sur la table. Certaines choses ne changeront jamais : bien qu'il soit désormais avec Elvira, Juancho ne cessera jamais d'inonder de compliments toutes les jeunes femmes qui franchissent le seuil de sa boutique. Si j'ai longtemps essayé de le sensibiliser à la cause féministe, j'ai fini par baisser les bras. Le temps m'a appris que certains cas ne valent pas la peine qu'on y gaspille trop d'énergie.

— Je ne vous cache pas que ça pourrait aller mieux...

Comme je m'y attends, ma réponse capte immédiatement l'attention de Juancho, qui encaisse ma monnaie en ouvrant grand les yeux.

— Ah oui, pourquoi ?

— Ce n'est pas si simple d'être une femme dans les rues de Cartagena, soupiré-je. J'ai de plus en plus de mal à sortir seule, même avec ma bombe lacrymogène.

— Mais non, vraiment ? Toi, Juli ? Tu es pourtant si forte, si assurée !

Je hoche la tête en prenant mon plus bel air résigné.

— Et pourtant... Vous n'imaginez pas à quel point j'ai dû me faire violence pour venir acheter du papier toilette.

— C'est terrible... souffle Juancho.

— Vous, vous ne trouvez pas que le quartier a changé ? l'interrogé-je en relevant le menton. Vous qui êtes commerçant ici depuis toujours, vous devez entendre toutes sortes de choses...

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant