J'ai toujours vu la vie comme une suite de concordances. Quoi que l'on veuille obtenir, tout est une question de timing. Deux personnes ont beau vouloir la même chose, si leur désir ne s'accorde pas en temps voulu, il y a peu de chances pour que ce souhait aboutisse à quoi que ce soit.
Encore bouleversée par ce que je viens de voir, je reste figée sur le trottoir. La pénombre qui règne sur la rue est à l'image de celle qui s'est emparée de moi en l'espace d'une fraction de seconde.
Rolando, avec une autre fille ? Cette révélation qui n'en est pas vraiment une me donne pourtant l'impression que je viens de faire une chute libre de quinze étages. Si je me sens d'abord complètement désemparée, la déception que je ressens est vite relayée par de la colère. Une colère que je ressens non pas pour lui, mais envers moi-même.
Évidemment qu'il voit quelqu'un d'autre, et je ne peux même pas lui en vouloir ! Après ce que je lui ai fait subir, qu'est-ce que j'espérais, qu'il m'attende toute sa vie comme un petit chien ? À croire qu'il aura fini par honorer ma volonté. Dommage que ce soit au moment où je m'apprêtais à enfin faire un pas vers lui.
— Juli ?
Alertée par un chuchotement dans mon dos, je sursaute. Seule la pénombre m'encercle.
— Qui est là ? Qu'est-ce que...
Je tente de hausser la voix, mais la main qui vient se plaquer sur ma bouche met fin à ma tentative d'intimidation.
— Arrête, tu vas attirer l'attention. C'est moi, Santiago.
— Qu'est-ce que tu me veux ? soufflé-je en me débattant. Lâche-moi !
— Je te pose plutôt la question à toi, qu'est-ce qui te prend ? Je ne te veux aucun mal. Ça fait des jours que j'essaie de t'intercepter, mais ta mère ne te lâche pas...
Je fronce les sourcils. Le fait que Santiago ne parvienne à me parler qu'en me suivant le soir dans l'obscurité ne me plaît pas du tout.
— Je croyais que tu comptais me laisser tranquille. De quoi est-ce que tu veux me parler ?
— J'ai pas mal réfléchi et... J'aimerais que tu te débarrasses de ta mère pour que je puisse vous retrouver toutes les deux chez toi avec Ana, demain à la première heure.
— Que je me débarrasse de ma mère ? Et comment ça, chez moi ? J'ai déjà dit que je ne voulais pas que tu y remettes les pieds !
— Juliana, écoute-moi, c'est important. Il faut que je vous parle.
* * *
— Il a demandé à nous retrouver ici, vraiment ?
Debout au milieu de mon salon, les bras croisés, Ana fait les cent pas. Ça fait près de dix minutes que je la regarde faire et je commence sérieusement à avoir le tournis. Je me contente de hausser les épaules en guise de réponse.
Si la demande de Santiago m'a beaucoup agacée sur le coup, je n'ai pas pu m'empêcher d'y céder. Il faut dire que le plan dont il m'a fait part m'a bien trop intriguée pour que je refuse. Une fois Ana prévenue, j'ai passé un coup de fil à ma mère en prétextant vouloir ramener chez moi la personne que j'étais partie retrouver. Je n'ai pas eu à développer beaucoup plus : ma mère, bien trop pudique pour oser se mettre en travers de ma vie amoureuse, a aussitôt accepté de loger pour cette nuit chez Color Caribe. Si elle s'imaginait le flop de mon excursion du soir...
— Il ne t'a rien dit de plus ?
L'envie de triturer ma mèche me dévore, mais je n'en fais rien. Il ne faut pas qu'Ana sente ma nervosité.
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Le parfum des ennuis
Literatura KobiecaJe n'ai jamais été du genre à me laisser dépasser par les évènements. Même lorsque ma mère débarque chez moi en m'annonçant que mon père l'a mise dehors, que je me retrouve sans un sou et contrainte de mettre mes projets de carrière en pause pour tr...