Assise sur le siège passager du pick-up brinquebalant de Brian, je regarde les rues défiler sous mes yeux. Les trottoirs cabossés et les vitrines colorées se succèdent tandis que le vent s'engouffre à travers la vitre ouverte et fait voler mes cheveux. En temps normal, je les aurais attachés pour éviter qu'ils ne s'emmêlent mais ici, étrangement, je trouve un certain plaisir à les laisser en liberté.
Gilberto a beau être de nouveau sur pieds, au moment de prendre la route, j'ai choisi de faire appel à mon chauffeur préféré. Si l'idée ne m'enchantait pas au départ, aujourd'hui, je ne me vois pas arrêter d'utiliser les recoge locos. Peu importe si je retrouve les moyens de voyager à bord d'une voiture, ou même d'une limousine : l'authenticité qui règne sur ces colectivos ne se retrouvera pas ailleurs. Ici, les gens se fichent de connaître votre statut ou vos origines, ils se contentent de partager ce moment, sans plus de questions. Et la vérité, c'est que je me sens à ma place ici bien plus que dans beaucoup d'endroits que j'ai pu fréquenter.
— On approche de la peluqueria de La Candelaria. Je t'y dépose ?
Tirée de mes pensées par la voix de Brian, je secoue la tête en souriant distraitement.
— Pas cette fois-ci, non. Je suis en arrêt jusqu'à la semaine prochaine.
Pour illustrer mes dires, je brandis mon atèle sous ses yeux.
— Comment oublier la blessure de guerre de notre héroïne nationale ?
Interpellée par une voix féminine, je me retourne. Destiny est installée à l'arrière du pick-up et maintient son bébé emmailloté contre elle. À côté d'elle, Kim me dévisage avec de grands yeux derrière une mèche de ses cheveux décolorés.
— Votre héroïne nationale ? répété-je d'un air amusé.
— C'est bien pendant la descente de police que tu t'es fait ça, non ? m'interroge Kim. Ça te va super bien, le plâtre. Moi aussi, j'aimerais en avoir. Tu crois que je peux en trouver au Bazurtico Mall ?
Je dévisage l'adolescente d'un regard amusé. Elle ne cessera jamais de me surprendre.
— Je ne crois pas, Kim, mais tu peux toujours essayer...
Cela ne fait que deux jours, mais l'annonce de l'arrestation de Santiago chez moi s'est répandue comme une traînée de poudre. Il faut dire qu'un tel événement dans la petite rue tranquille de Tumbamuertos ne passe pas inaperçu. Dès qu'ils ont su que j'étais à l'origine du signalement, les gens ont salué mon courage. Au vu de ce qui est arrivé à Carlos, je les comprends. Ils ignorent que c'est Santiago lui-même qui m'a demandé de le faire.
— Alors, c'est vraiment ça ? Tu t'es fait ça en te battant avec le meurtrier évadé de prison ?
— Plus ou moins... Disons qu'un conflit de cette envergure peut vite dégénérer.
Mieux vaut que je reste évasive, mais cela suffit à Brian, qui pousse un sifflement admiratif.
— Ta vie ferait une super telenovela. J'ai su depuis le début que tu étais particulière. Certaines personnes sont faites pour mener une vie hors du commun.
— Je n'en sais rien, mais j'espère retourner vite à une vie tranquille. Crois-moi, toute cette action, c'est épuisant.
Je lâche un soupir sous les yeux rieurs du chauffeur.
— Où est-ce que je t'emmène, alors ?
— J'aimerais aller aux locaux de La Voz del Caribe. J'ai promis une interview à mon ami Héctor.
Brian acquiesce. La voix fluette de Kim s'élève alors depuis l'arrière du pick-up :
— Quand tu auras repris tes études et que tu deviendras la meilleure avocate de Cartagena, tu ne nous oublieras pas ?
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Le parfum des ennuis
ChickLitJe n'ai jamais été du genre à me laisser dépasser par les évènements. Même lorsque ma mère débarque chez moi en m'annonçant que mon père l'a mise dehors, que je me retrouve sans un sou et contrainte de mettre mes projets de carrière en pause pour tr...