Chapitre 14 - La paix nécessite parfois quelques sacrifices

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Depuis le plus jeune âge, j'ai toujours été attirée par les beaux vêtements. Quand je n'étais encore qu'au primaire, ma mère avait l'habitude de m'emmener avec elle faire les boutiques. Si j'étais encore trop jeune pour acheter quoi que ce soit, j'adorais sentir les étoffes tantôt douces, tantôt rugueuses des habits suspendus aux cintres. En grandissant, cet attrait ne m'a pas quittée. Je n'ai jamais été du genre à acheter de manière compulsive et irréfléchie : pour moi, le choix d'une nouvelle pièce est un processus lent et conscient. L'harmonie des teintes, le toucher du tissu, les odeurs qui en émanent, tout est important.

C'est le cœur lourd de ces souvenirs que je me rends le lundi au salon de coiffure. Mon humeur contraste avec l'effervescence des rues en préparation pour la fiesta de La Candelaria, célébration de la sainte patronne de la ville s'étalant sur plusieurs jours à compter d'aujourd'hui. En plus des guirlandes de fanions et des stands ponctuant chaque coin de rue, la Virgen de la Candelaria, reconnaissable par sa peau noire, apparaît sur les façades des églises, dans les vitrines et même à l'arrière du pick-up de Brian.

— Qu'est-ce que tu traînes dans cette valise, Juli ?

Le gros bagage que je hisse à bord du compartiment arrière n'échappe pas à l'œil aguerri de ma nouvelle amie Kimberley, Kim pour les intimes. Je ne sais pas pourquoi, mais cette adolescente semble entretenir une certaine fascination à mon égard. Après avoir tenté d'imiter ma coiffure et mon maquillage, la voilà désormais affublée d'un vieux legging et de baskets de sport.

Ayant tout sauf envie de m'épancher sur le sujet, je lui réponds d'un ton morne :

— Ma garde-robe.

Toute personne sensée aurait compris que je n'ai pas envie de creuser le sujet mais Kimberley, du haut de ses quinze ans, ne saisit pas cette subtilité. La main plaquée sur sa bouche, barbouillée par une version premier prix du rouge à lèvres rouge vif que je portais la première fois qu'elle m'a rencontrée, elle réprime un cri hystérique.

— Mais non, c'est vrai ? Je cherche justement ma tenue pour la cabalgata de ce soir ! Je peux regarder ?

— Kim, je ne crois pas que Juli soit là pour te faire étalage de ses dernières trouvailles en vue des fêtes de La Candelaria.

Je lance un regard reconnaissant à Destiny qui nous observe de l'autre côté du compartiment. Depuis qu'elle m'a donné cette bombe lacrymogène, j'ai l'impression qu'un lien de solidarité particulier nous unit. De son côté, Kim se renfrogne, avant de renchérir :

— Dans ce cas, pourquoi est-ce que tu as ramené tous ces vêtements ?

Je prends une longue inspiration. Je ne peux pas lui dire que je m'apprête à les vendre, elle serait encore plus dévastée que moi. Ou elle chercherait à me les racheter, or, je sais qu'elle n'aura pas les moyens de le faire en me permettant d'en tirer une somme convenable.

Craignant d'éveiller les soupçons en hésitant davantage, je lâche la première excuse qui me vient :

— Je les emmène au pressing.

— Ah. Ce sont des habits de marque, c'est pour ça ?

Surprise que mon excuse bancale ait fonctionné, je hoche la tête.

— Il faut que j'aille au Bazurtico Mall, déclare Kim. Ils ont de tout là-bas pour trois fois rien, du Dior, du Guess et même du Louis Vuton !

Je ne voudrais pas m'avancer concernant ce fameux mall, mais mon instinct me souffle qu'il s'agit certainement d'un haut lieu de contrefaçon – surtout s'il vend du Louis Vuton. Pour ne pas briser l'enthousiasme de Kim, j'acquiesce :

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant