Chapitre 13 - Deux cerveaux valent mieux qu'un pour s'atteler au cas de Caterina

39 7 4
                                    

Ce n'est pas possible. Ça n'a pas de sens.

Après cet incident au commissariat, je passe le week-end à me répéter ces mots. Je me les répète en faisant le ménage dans la salle de bains. Je me les répète en faisant mes courses et la cuisine pour ma mère qui, traumatisée, refuse de sortir de nouveau. Au moins, je n'aurais plus à m'inquiéter sans cesse de la savoir dans je ne sais quel bar douteux. Cela fait certainement de moi un monstre, mais je ne peux pas m'empêcher de me réjouir à l'idée que sa crise d'ado ait été avortée avant l'heure.

Ces tracas me suivent jusqu'au salon de coiffure, où je passe la journée à ruminer en tentant de trouver une forme de sens à tout ça, jusqu'à monter le soir dans le pick-up de Brian.

— Tout va bien, Juli ?

Je me retourne et croise le regard attentif de Destiny. Cette jeune maman me rappelle Sara : comme elle, Destiny parle peu mais semble toujours très attentive à ceux qui l'entourent. Le genre de personne qui vous pousserait à vous confier sur n'importe quel sujet.

— Est-ce que tu as déjà eu la sensation d'être... suivie ?

Cette question s'échappe de mes lèvres avant que je n'aie le temps de la conscientiser – à croire qu'il m'est de plus en plus difficile de garder ce sujet pour moi. J'ai beau me dire que je me fais des films, qu'il existe sans doute des milliers d'hommes en Colombie qui utilisent ce parfum, la coïncidence n'en est pas moins troublante. C'est comme si cette odeur était venue donner corps à des angoisses que je n'osais pas formuler.

Destiny rabat la couverture de son bébé sur sa tête et me regarde d'un air sérieux.

— Tu penses que c'est le cas ?

— Ce n'est qu'une sensation... Je me fais sans doute des films. J'ai radicalement changé mon quotidien ces derniers temps et je suis bien plus anxieuse...

— Si tu as cette intuition, il faut que tu t'écoutes.

Destiny marque une pause, avant de caler son bébé dans le creux de son bras gauche pour poser son sac sur ses genoux.

— Pour te répondre, ça m'est arrivé plus d'une fois. Ce n'est pas simple d'être une femme dans les rues d'une grande ville comme Cartagena. D'ailleurs, mes présages se sont toujours avérés vrais... Et à chaque fois, c'est cette botte secrète qui m'a permis de m'en tirer.

Destiny laisse planer ces mots énigmatiques avant de sortir un tube de son sac. L'étiquette noire indique : « Spray au poivre anti-agression ».

— Tiens, prends-la.

Je toise l'objet d'un air sceptique. Une bombe lacrymogène ? Je ne pensais pas en arriver là non plus. Être vigilante, veiller à ne pas m'aventurer dans des quartiers peu fréquentables, pourquoi pas. Mais glisser ce genre d'arme dans mon sac en permanence ?

Je secoue la tête en repoussant le flacon qu'elle me tend.

— Destiny, c'est gentil mais c'est la tienne... Puis, je ne pense pas que j'aie besoin de ça.

— Qu'est-ce que je viens de te dire, sur le ressenti ? Maintenant que tu m'as mise dans la confidence, il n'y a plus de marche arrière possible et, s'il venait un jour à t'arriver quelque chose, je m'en voudrais terriblement. Entre femmes, il faut qu'on se serre les coudes. Alors prends-la.

* * *

— Spray au poivre anti-agression... Je rêve ou c'est une bombe lacrymogène ?

Dix-neuf heures trente, je descends du ring de boxe à la suite d'un combat enflammé. Lorsqu'en sortant une serviette, je déverse la moitié de mon sac sur le sol, l'objet cylindrique n'échappe pas à l'œil aguerri de Rolando. Prise pour cible par son regard inquisiteur, je m'empresse de lui ôter des mains pour l'enfouir au fond de mon sac de sport.

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant