— Dîner pour tout le monde !
La douceur amenée par la déclaration de Camila est interrompue par le bruit du verrou grinçant. Quand la porte s'ouvre à la volée et que je croise le regard triomphant d'Eric, je comprends que ce choix de timing n'est certainement pas dû au hasard. Cette espèce de psychopathe serait tout à fait capable de guetter nos conversations à travers la porte pour débarquer au pire moment.
— Qu'est-ce qui est au menu ? marmonné-je.
— Du pain et de l'eau. J'espère que ce sera au goût de madame.
— Vous êtes au courant que le temps des prisonniers ligotés et enfermés dans des caves est révolu depuis longtemps ?
— Sans doute, mais on est plutôt branché vintage.
Le regard que je lance au frère Maestre est tel que s'il y avait eu un bidon d'essence dans cette pièce, nous aurions tous finis carbonisés.
— Tu vas enfin te décider à boire ?
Je déglutis. Ma gorge est de plus en plus sèche, mais mon esprit de contradiction pourrait me faire survivre des semaines dans le désert le plus aride pour ne pas céder à cette pourriture.
— Je préférerais boire ma propre urine que d'accepter quoi que ce soit venant de vous.
Le frère Maestre lève les yeux au ciel d'un air désabusé, comme on le ferait face à une pauvre gamine capricieuse. Il sert de l'eau à Ana, quand Cristian et Patricia arrivent.
— Comment vont nos invitées ? s'enquiert la mère de famille.
— Vos invitées ? Je penserai à prévenir mon père de ne jamais mettre un pied chez vous, grommelle Camila.
Ignorant sa remarque, Cristian déclare :
— J'espère que tu n'es pas en train de les maltraiter, Eric. Nous allons avoir besoin d'elles.
Je ne saurais pas dire pourquoi, mais sa phrase me laisse un mauvais pressentiment.
— Besoin d'elles ? Pour quoi faire, exactement ? demande leur fils.
— De toute évidence, séquestrer sa fille ne suffit pas à faire entendre raison à cette pourriture de Santiago. Mais maintenant que ces aimables demoiselles ont décidé de se joindre à nous, nous avons un nouveau moyen de faire pression sur lui... En passant à la vitesse supérieure.
Je ne sais pas ce que le père Maestre entend par « passer à la vitesse supérieure », mais la manière dont il le dit me fait froid dans le dos. Et l'air abasourdi d'Eric ne me rassure pas.
— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Qu'est-ce que tu entends-tu par là, exactement ?
— Si tu es un Maestre, tu sais très bien de quoi je parle. Maintenant que tu t'es chargé de te procurer le contact d'un de ses sbires, un monde de possibilités s'offre à nous.
Cette dernière déclaration me fait tiquer. Le numéro de l'un des sbires de Santiago ?
— Et je peux savoir qui a décidé de changer les plans du tout au tout ?
— Nous nous sommes concertés avec ta mère hier soir.
Eric respire bruyamment, comme s'il semblait avoir de plus en plus de mal à se contenir.
— Et vous n'avez pas jugé bon d'en discuter avec moi ?
— Tu crois vraiment que c'est le moment de faire étalage de ta colère sur la place publique ?
Le silence qui suit semble interminable. Je ne suis pas médium, mais je sens qu'il se joue quelque chose de bien supérieur à cette histoire de kidnapping.
VOUS LISEZ
Le parfum des ennuis
Literatura FemininaJe n'ai jamais été du genre à me laisser dépasser par les évènements. Même lorsque ma mère débarque chez moi en m'annonçant que mon père l'a mise dehors, que je me retrouve sans un sou et contrainte de mettre mes projets de carrière en pause pour tr...