Chapitre 19 (2/2) - Au New York Paradise, tout peut arriver

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— On se taille d'ici ?

La manière dont Rolando me fixe me laisse croire que je l'ai pris de court.

— Hein ? Mais où ?

En voyant Brad/Guillermo apparaître dans l'encadrement de l'entrée pour scruter la foule, je vide d'une traite le reste de mon cocktail.

— Je n'en sais rien. Mais si tu veux venir, c'est maintenant, insisté-je.

— Waouh ! s'exclame Rolando. Je ne te savais pas si directive. Si j'avais su, je t'aurais emmenée bien plus tôt dans une boom du troisième âge...

J'ignore sa remarque et lui tire le bras pour courir vers le fond de la salle, le plus loin possible de Brad et de cette soirée loufoque. Lorsque nous arrivons face à une porte indiquant « accès de secours », je la pousse sans hésiter – quoi qu'on en dise, il s'agit d'une évacuation de force majeure.

Nous débouchons au pied d'une cage d'escalier tournante et face à une nouvelle porte de secours. La première chose que nous faisons, c'est ôter nos masques.

— Enfin libre ! Cet élastique commençait à me comprimer le crâne, soupiré-je.

Je m'apprête à tracer ma route pour déserter les lieux une bonne fois pour toutes, quand Rolando m'attrape l'épaule :

— Hé, attends. Et si on allait voir ce qu'il se passe là-haut ?

— Là-haut ?

Je suis le regard du prof de boxe, rivé sur la cage d'escalier tournante.

— On n'a rien à perdre, non ? émet-il.

Je hausse les épaules, avant de le suivre pour gravir les marches. Nous débouchons en premier sur ce qui ressemble à une régie. La pièce ne doit plus être utilisée depuis un moment, si j'en crois la couche de poussière qui tapisse les équipements.

— Wow, j'ai l'impression d'être retourné vingt ans en arrière ! Tu as vu la taille de ces câbles ?

Rolando attrape un micro qui pourrait ressembler à s'y méprendre à grille-pain déformé, avant d'entonner d'une voix grave :

— Mesdames et messieurs, j'ai l'honneur de vous annoncer l'arrivée du moment tant attendu... L'élection du roi et de la reine du bal !

Son air cérémonieux m'arrache un sourire. La manière dont brillent ses yeux témoignent d'une joie presque enfantine.

— Tu aurais adoré animer cette soirée, toi !

— Et comment... Tu savais que j'étais animateur pour la radio de mon collège ?

Intriguée, je secoue la tête pour l'inciter à poursuivre.

— À l'époque, poursuit Rolando, je faisais la promotion du groupe de Sebas, Rafa et Ivan. Quand je dis que je suis leur manager, ce ne sont pas totalement des paroles en l'air. Je les invitais souvent pour des interviews, je demandais à passer certaines de leurs reprises... À mon échelle, j'ai aussi aidé à les faire connaître !

— C'est vrai ? Je n'avais jamais entendu cette histoire.

Je me retiens de citer les paroles de ses amis, qui m'avaient expliqué en riant que les missions de leur soi-disant manager se résumaient à « servir du punch imbuvable à leurs soirées tout en amusant la galerie » - mais Rolando semble lire entre les lignes.

— C'est parce qu'ils ont vite oublié tout ce que j'ai fait pour eux ! Desagradecidos.

Le prof de boxe prend un air renfrogné, avant de lorgner une trappe au plafond.

Le parfum des ennuisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant