CHAPITRE 2 | Ange

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« Si la rencontre est un hasard, la rupture est
toujours une nécessité. »
SUZANNE ROBERT




𝐀𝐍𝐆𝐄

       

Le temps est comme figé autour de moi. Pendant un court instant, plus aucun cri ne résonne dans mes oreilles. Seul le vide m'entoure. Puis comme un train arrivant à toute vitesse, je suis très vite percutée par la réalité.

Quelques rires fendent le silence de cette macabre révélation. Quant à moi, je suis incapable de prononcer un mot, de m'éloigner suffisamment de l'horreur qui est accrochée à ce tableau de liège.

Sous le choc, j'ai encore du mal à réaliser que toute cette situation est réelle. Qu'ils ont pu oublier qu'elle était morte.

Si seulement j'y arrivais moi aussi.

— Wright c'est pas la fille qui s'est foutue en l'air cet été ? Interroge une voix féminine.
Je ne prends pas la peine de relever l'identité de cette fille qui ne doit pas saisir les conséquences d'un décès. La portée et la violence des mots qu'elle emploie.

Cette unique phrase suffit à ranimer la violente crise d'angoisse qui se préparait alors que je prenais connaissance de cet acte. Mais comment ont-ils pu ? Un pas après l'autre, je m'éloigne sous le regard brûlant de toutes ces fouines. Depuis l'issue de cette tragique soirée, Harper et moi sommes devenues l'objet de toutes les rumeurs, de toutes les critiques.

— Ange attends ! Essaye de m'interrompre Tommy en saisissant mon poignet entre ses doigts. Je me détache de sa poigne dans un mouvement violent, puis je fuis à toute vitesse.

Dans ma course folle, les larmes qui s'écoulent de mes yeux brûlent mes paupières et cette même sensation se fait ressentir dans ma poitrine. Mes poumons sont comme compressés sous l'effort que je leur demande. Une main sur mon torse, je frotte la jointure de mes doigts sur ma chemise pour tenter d'apaiser la douleur qui se répand petit à petit.

Mais c'est bien trop tard.

Asthmatique depuis ma naissance, je lutte à chaque inspiration pour permettre à mon corps de s'oxygéner. Et si le fardeau de cette maladie n'était pas suffisant, j'en suis atteinte d'une forme grave. Par conséquent, courir n'a jamais été un mot que je puisse intégrer à mon vocabulaire.

Ma respiration se coupe à l'instant où j'entre en contact avec une surface dure, elle qui se faisait légèrement laborieuse. Comme dans une scène de cinéma, j'observe au ralenti une vague de café s'échapper d'un gobelet. Le liquide marron se dirige sur moi pour finalement s'écraser sur la pointe de mes chaussures.

Le propriétaire de cette boisson désormais gâchée s'accroupit à mes pieds en fulminant à voix basse. Une serviette entre ses doigts, il éponge avec précaution le sol tout autour de mes chaussures maintenant ruinées. Embarrassée par la situation, je m'accroupis à mon tour, me retrouvant ainsi à quelques centimètres du visage de cet homme.

Ses cheveux noirs de jais sont réunis dans une coupe décoiffée d'où s'échappent quelques mèches rebelles. Leur couleur me frappe lorsque je réalise leur similitude avec celles de ses yeux. Ce gouffre sombre que sont ses pupilles me fixent avec puissance tandis que je détourne les miens, intimidée par cette œillade. Quelques suppositions envahissent mon esprit alors que je me questionne au sujet du statut de cet homme. Son visage paraît pourtant trop jeune pour être celui d'un professeur. Aucune ride n'est distinguable, seulement une légère fossette sur son menton. Des traits fins, une peau dépourvue des traces de l'adolescence, des cils fins... je ne parviens pas à lui attribuer un âge.

UNDERCOVEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant