CHAPITRE 5 | Jaxon

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« L'espoir et la confiance mènent à la déception et à la trahison »
WILLY






JAXON:





          — Il est furieux ! S'exclame Andrew Perkins au bord de la crise de nerfs. Confortablement installé dans l'un des fauteuils hors de prix de son bureau, je l'observe à ce qui doit être son sixième excès de colère envers mon élève.

Son visage est rouge et transpirant, conséquence de la furie qui l'épuise depuis une vingtaine de minutes. Chaque objet qui passe entre ses mains finit par s'exploser sur le parquet en bois massif suivi d'un grognement scandalisé. Ses doigts s'agitent maladroitement sur sa chemise pour en défaire sa cravate mais l'état de nerfs dans lequel il est l'en empêche. C'est à nouveau dans un gémissement qu'il finit par se laisser tomber dans son siège, abandonnant sa précédente tâche. Une main sur son visage, on croirait qu'une catastrophe vient de se produire. Pourtant il ne s'agit que de la petite tornade qui retourne Evergreen.

Face à ses réactions quelque peu démesurées, j'essaie tant bien que mal de montrer ce que l'on attend de moi: une colère sourde envers mon élève pour son comportement. Pour l'agression qu'elle a commise envers sa camarade. Mais en réalité j'en suis incapable, parce que dans un sens je comprends ses motivations. Et je serai prêt à affirmer à haute voix que son courage m'impressionne.

Voilà que s'est écoulée près d'une heure depuis l'incident, et les rumeurs se diffusent à vitesse grand V entre les élèves mais également les enseignants. Des dizaines de versions toutes plus différentes les unes que les autres me sont parvenues aux oreilles mais si je dois retenir une chose, c'est que Montgomery a attaqué le plus grand requin de son lycée sous les yeux ébahis d'une centaine d'autres élèves.

Vu de l'extérieur, les réactions du chef de l'établissement paraissent complètement disproportionnées. Mais lorsque l'on a conscience des enjeux que représentent cette simple dispute entre deux élèves, il y a de quoi s'en faire. La famille Dixon tient littéralement Perkins par les couilles. Et on dirait bien que Montgomery ne sait pas tenir sa langue, quoique j'en avais déjà eu un bref aperçu lors de nos nombreuses altercations.

Cette lueur toujours pleine de défi qui remplit ses pupilles me fait voir rouge. En l'espace de quarante-huit heures, j'ai déjà perdu mon sang froid à de trop nombreuses reprises. Mais face à son insolence, je suis comme incapable de rester calme, de conserver l'attitude qu'un professeur devrait afficher.

— Confiez le poste d'organisatrice du bal d'hiver à Dixon et le problème sera résolu. La gosse arrêtera son cinéma et papa sera content, je lui propose d'un air désinvolte.

Le visage de Perkins traduit sa réflexion quant à ma proposition, mais la réponse qu'il me fournit me prend de court.
– Occupez-vous de son cas Parker, il m'ordonne en se redressant sur sa chaise.

Mes sourcils se froncent d'indignation et il me faut quelques secondes pour intégrer ses dires.
Attendez, il vient vraiment de me donner un ordre ?

– Je vous demande pardon ? J'hausse la voix en me relevant de ma chaise. Mes deux poings appuyés contre le bois du bureau, je le fixe, l'énervement visible dans mes pupilles.
Je dois suffisamment la babysitter pour faire de son cas une affaire personnelle, je m'insurge en retenant l'insulte de connard qui est à deux doigts de sortir de ma bouche.

Son visage me défie de répliquer mais alors que je suis sur le point de lui prouver que ni la hiérarchie ni l'argent ne sont des moyens de pression sur moi, un point s'abat sur la porte. Le bruit est à peine intelligible, comme si l'appréhension qui motivait ce léger mouvement pouvait se faire entendre à travers les battants.

UNDERCOVEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant