chapitre 12- Elijah

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Elijah

Le mois de novembre est déjà bien entamé. Les températures ont chuté de dix degrés et le brouillard a laissé place à une atmosphère énigmatique  au sein de cette petite ville de Roseburg dont la population ne dépasse pas vingt-trois mille habitants. Finalement, je commence de plus en plus à me sentir chez moi. Il faut dire aussi que l'ambiance est au beau fixe. Je n'aurais jamais imaginé en mettant les pieds dans cet endroit que j'allais m'attacher à ce foyer. Revoir ma mère souriante me réjouit. Owen est vraiment quelqu'un de bienfaisant, il nous offre une vie plus que décente. Mais un point noir ancre ce tableau de famille parfaite, Malius. L'attraction que je ressens pour lui gonfle de jour en jour au point que ma poitrine en devient douloureuse. Mon frère, c'est ce que ma mère, la dernière fois dans la voiture, m'a balancé quand nous étions en direction du magasin alimentaire pour effectuer un plein.

— Je suis tellement heureuse que toi et Malius vous entendez si bien à présent. Au début, je t'avoue que j'ai craint que tout se passe mal et qu'il n'accepte jamais notre présence. Mais aujourd'hui, j'ai l'impression de voir deux frères, m'avait -elle confié, le sourire aux lèvres.

Un sourire que j'avais voulu lui faire avaler à ce moment précis. Car comment lui dire que celui qui côtoie cette maison me hante, me perturbe, que j'ai envie de sauter sur ses lèvres à chaque fois qu'il pose son regard sur moi Je ne le verrai jamais comme un frère, car pour la simple et bonne raison que je suis en train de tomber amoureux de lui. J'aime à croire que c'est réciproque, à la façon dont nous interagissons quand nous sommes ensemble. Sûrement, je me fais des films, mais il y a cette alchimie entre lui et moi, et ça, je ne l'invente pas, elle est bien présente, je la sens dans chaque fibre de mon corps.

Le week-end prochain, Landon débarque à la maison. Il a bataillé avec ses parents pour pouvoir assister à Thanksgiving avec moi, ne se privant pas de leur inventer une excuse inventée de toute pièce, comme quoi je suis déprimé et qu'il a la pétoche que je fasse une idiotie pour laquelle je le regretterais amèrement. Non, mais je jure, je ne le referais pas celui-là. En attendant, ce mensonge a fonctionné à merveille car, dans une petite semaine, mon meilleur ami sera auprès de moi, impatient qu'il découvre ma nouvelle vie. Nos derniers appels téléphoniques l'ont soulagé de voir que petit à petit je me sens mieux.

Bien- sûr, mes cauchemars nocturnes sont toujours présents, me pompant pas mal mon énergie, mais quand cela arrive, je trouve du réconfort dans les bras de Malius. Il prend soin de calmer chacune de mes terreurs.

Après malgré tout, je pense régulièrement à Donovan, son visage est ancré. Mais, je me dis que je dois avancer, je l'ai promis à Landon. Un beau jour, j'ai espoir que le Karma se retourne contre ce crétin. Et ce jour-là, je serai au première loge. Du moins, je l'espère...après tout l'espoir fait vivre.

De retour du lycée, je profite du calme de la maison pour me rendre dans le salon où trône ce majestueux piano. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas effleuré mes doigts sur les touches de cet instrument, mais là maintenant, j'ai une envie irrépressible de pouvoir faire pleurer les sons.

Je prends place et commence à jouer les premières notes qui me viennent soudainement à l'esprit , POLICE – EVERY BREATH YOU TAKE, c'est la préférée de papa. Je me souviens de l'avoir appris par cœur le jour de ses quarante ans. La jouer m'avait pris aux tripes et il m'avait rejoint pour m'accompagner, un moment fort entre père et fils, avant de s'éclipser de ma vie. Quelle triste réalité...

Je chantonne en même temps que je pianote, mon timbre n'est pas aussi grande qu'une diva, mais je me débrouille bien et puis, à vrai dire, je m'en fiche, personne n'est autour de moi à cet instant pour me juger, il n'y a que moi, les notes qui flottent et ma voix qui résonne dans la pièce.

Every breath you take

Chaque respiration que tu prends

And every move you make

Et chaque mouvement que tu fais

Every bond you break

Chaque lien que tu brises

Every step you take

Chaque décision que tu prends

I'll be watching you.

Je te regarderai.

Mon corps frissonne dans le bon sens, ça fait un bien fou de lâcher prise. C'est comme si l'univers s'était mis en mode pause pour pouvoir me permettre de prendre une bouffée d'air à plein poumon. Quand je décide de mettre fin à cette improvisation, j'entends derrière mon dos des applaudissements et je comprends tout de suite que je ne suis pas seul. Je me retourne, deux billes noires me transpercent. Toujours lui, telle une ombre.

Il prend place à côté de moi, un peu trop proche à mon goût. Ses doigts glissent sur les touches.

— C'est un bon choix de musique, je me demande qui est l'heureux élu, me demande-t-il en appuyant sur une des touches.

— Tu sais en jouer ? 

—J'ai appris à en pratiquer quand ma mère était encore parmi nous. On joue la suite ensemble ? Lance-t-il.

—Ok !

À l'unisson, nous entamons la suite de cette partition. Mon cœur se réchauffe de bonheur, les notes voltigent dans l'air, nous sommes en parfait accord, c'est puissant.

Oh, can't you see

Oh, ne vois-tu pas.

You belong to me ?

Que tu m'appartiens ?

How my poor heart aches

Comme mon pauvre cœur a mal

With every step you take

Pour chaque décision que tu prends

Every move you make

Chaque mouvement que tu fais

Every vow you break

Chaque serment que tu brises

Every smile you fake

Chaque sourire que tu fausses

Every claim you stake

Chaque revendication que tu renforces

I'll be watching you.

Je te regarderai.

Lorsque la chanson se termine, mon cœur est sur le point d'exploser, la bulle de bonheur que je suis en train de connaître est invraisemblable

—Moi aussi, je te regarde, souffle-t-il le visage rivé sur moi.

—Je ne comprends pas le message que tu cherches à passer. Et c'est vrai, clairement je ne sais pas où il veut en venir.

—Les paroles," chaque nuit que tu restes, je te regarderai". Elijah, moi aussi, je te regarde.

Il passe sa main dans sa tignasse, gênée. J'ai remarqué qu'il le fait constamment quand il se trouve dans ce genre de situation embarrassante.

—À vrai dire, je ne fais que ça, reprend-il. Et ne me dit pas que ce n'est pas réciproque, ne me dit pas que tu ne sens pas cette tension entre nous. Que rien n'est réel.

À ses paroles, mon cœur se gonfle, alors, lui aussi, il l'a ressenti.

— Tu as raison, la connexion qui se passe entre nous n'est pas tirée de ton imagination. Mais on ne peut pas, on n'a pas le droit. En réalité, on devrait même pas y songer. Pense à nos parents,  comment est-ce qu'ils réagiraient?  On ne peut pas gâcher leur histoire.

Je pose ma main droite sur sa jambe qui s'agite frénétiquement. S'il savait à quel point j'ai envie de susurrer ses lèvres charnues. Putain, parfois, je hais ma conscience. 

Just Us (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant