J'ouvre les yeux.
Je suis dans le noir complet, allongée. Ne comprenant pas où je me trouve, je tends les bras devant moi, tel un aveugle qui avance sans sa canne et qui essaye de ne pas rencontrer d'obstacle. Mes doigts rencontrent une espèce de tissu à la texture très particulière: c'est très lisse et semble fait de plastique. Mes ongles grattent l'étrange matière, laissant échapper un zwip caractéristique. Je m'assois et balaie ma main autour de moi. La toile m'entoure entièrement. Je n'aime pas ça. Je me sens prisonnière. Et puis, pendant que je caresse ma cellule de tissu, je trouve... un trou. Je vois même un peu de lumière passer au travers. Par réflexe, car je commence à étouffer là-dedans, je saisis un bout de ce tissu bizarre, et tire.
Dans un bruyant zwiiiip, la lumière blanche du jour pénètre d'un seul coup dans ma prison. Aveuglée, je protège mes yeux du dos de la main. Je reste prostrée quelques secondes, le temps pour mes yeux de se remettre de cette agression. Durant cette pause, je prête davantage attention à l'environnement qui m'entoure; j'entends le gazouillement des oiseaux, le bruissement des feuilles dans la brise tiède, le discret ruissellement de la rivière qui coule non loin de là... mais surtout, j'entends monter progressivement un murmure. Une douce mélodie grave, un chuchotement suave mais inintelligible. Quelqu'un me parle mais je ne comprends pas ce qu'il dit. Qu'importe. Cette douce voix m'apaise. Je sens un sourire tendre mes lèvres. Cependant, je ne vois toujours rien à cause de la lumière trop forte. Pas grave. Pas besoin de voir quand on entend un son si agréable que cette voix.
Et puis, au milieu de cette clarté aveuglante se détache une forme. Une ombre, qui s'approche doucement de mon visage. Cette ombre commence à se préciser au fur et à mesure qu'elle s'approche. Et, au moment où elle n'est qu'à quelques centimètres de ma joue, je finis par deviner ce que c'est.
Une main.
Une main à la peau aussi claire que la lumière au dehors. Une main aux longs, très longs doigts osseux, avec des ongles courts. Une main qui s'approche lentement de ma pommette, l'air de dire "je suis là, et je te protège"... mais surtout, une main à l'index cerclé d'une bague. Une bague relativement simple; elle est large, aux bordures argentées et traversée en son centre d'une épaisse bande noire. Une bague sobre pour décorer une main qui l'est tout autant. Pourtant, cette main ne me laisse pas indifférente. Je la connais, c'est sûr... mais ma mémoire ne veut pas fonctionner.
Je suis simplement hypnotisée par cette main, qui n'a rien d'extraordinaire, pourtant! Cette main qui ne fait que s'approcher de mon visage, pour finalement le toucher délicatement. A ce contact, je me mets à frissonner tout en ayant extrêmement chaud. Les longs doigts glissent dans une lenteur infinie sur ma joue pour remonter sur ma pommette, ma tempe, mon front, pour finir par jouer dans mes cheveux. Pendant que cette main me caresse, je sens mon cœur frapper de plus en plus fort dans ma cage thoracique, comme s'il voulait briser mes côtes pour sortir de sa prison d'os et s'évader de ma poitrine. Pourquoi s'affole-t-il ainsi? Suis-je en colère? Absolument pas. Ai-je peur? Peut-être un peu, bien que je ressente une immense paix à l'intérieur de moi. Suis-je en pleine euphorie? Carrément, oui!
Je me sens terriblement bien, je ris alors que je devine des larmes percer au coin de mes yeux, pendant que cette main à la paume tiède continue ses aller-retours sur mon visage. C'est tellement beau que j'ai l'impression d'être dans un rêve. Pourtant, je n'ai toujours pas vu le propriétaire de cette main baguée. Il doit être mille fois plus beau que le reste. Au moment où je fais cette réflexion, je vois se détacher de cette lumière intense une forme à peu près ronde, bien plus régulière que l'ombre qui a précédé l'apparition de la main. C'est le visage de la personne qui me caresse qui s'approche lui aussi du mien.
Au fur et à mesure que cette tête approche, mon cœur déjà fou perd le contrôle de ses battements, je brûle de l'intérieur tout en tremblant de froid, les larmes tombent de mes yeux alors que je ris à gorge déployée. Je dois être malade.
Le nez de l'inconnu ne doit être qu'à quelques millimètres du mien. Je suis sur le point de voir le visage associée à cette main baguée qui ne cesse de voyager sur ma peau et de m'ébouriffer les cheveux. Je décide de faire de même et approche ma main du visage encore plongé dans la lumière. Au moment où je devine le regard de l'inconnu toiser ma main, il s'arrête. Ses doigts sont encore sur ma peau mais ils ne se déplacent plus sur mon visage. Il semble hésiter. Mais ma main, emportée par son doux élan, continue lentement son chemin vers la joue de ce visage d'ombre.
Mes doigts sont tout près de sa peau, dont je ressens déjà la chaleur...
Mes larmes inondent mes joues alors que je ris bruyamment...
Je grelotte alors qu'un feu meurtrier dévore mes organes...
Je ne sens même plus mon cœur tant il bat vite...
Et enfin, mes ongles atterrissent sur sa peau.
Mais je n'ai pas le temps de ressentir le moindre contact que la main baguée retire brusquement ses doigts de mes cheveux, et repart se cacher dans la lumière. Je suis laissée seule dans ma prison de tissu éventrée. Mon cœur, après avoir battu des records de vitesse, s'est arrêté subitement. L'incendie brûlant mon ventre s'est éteint, laissant un froid terrible à l'intérieur de mon abdomen qui gèle déjà. Seules mes larmes coulent toujours autant. Je me sens désespérément vide. Même la lumière au dehors semble se ternir.
Et puis, après avoir passé quelques secondes qui semblent être des millénaires à pleurer l'absence d'une main inconnue, l'Univers tout entier semble se retourner. Je suis prise dans un violent vortex qui me ballotte dans tous les sens, telle une vulgaire chaussette dans une machine à laver. Je suis paniquée et souhaite que tout cela finisse.
Oui, que tout cela finisse...
_____________________________________
Désolée pour ce premier chapitre particulièrement long mais je ne pouvais faire autrement. Les suivants seront plus courts, je pense.
J'espère que vous avez apprécié et que vous suivrez les chapitres suivants!!!
VOUS LISEZ
La vie rêvée
ParanormalToutes les nuits depuis quelques mois, Swan fait le même rêve, encore et encore. Et tous les matins, elle se réveille avec la même déception et les mêmes questions. Mais cela, elle n'en a pas grand-chose à faire. Du moins, jusqu'au jour où... je n'...