Chapitre 32

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Allez tire ! Mais plus fort ! Tu vois bien qu'elle va pas sortir comme ça !

Oui bah ça va, je suis plus petit que toi, je fais ce que je peux !

C'est étrange, j'ai beau être morte, j'entends toujours des choses. Comment mon cœur, mes poumons, mon cerveau, peuvent-ils ne plus fonctionner mais mes oreilles oui ?

Soudain, j'éprouve une étrange sensation aux jambes. J'ai froid, comme si j'étais mouillée et que je sortais de l'eau.

Allez Mat', continue, on y est presque !

Les voix se font de plus en plus distinctes, comme si je m'en rapprochais.

Et puis d'un coup, je sens comme un blocage au niveau de mon buste.

Ça cale là non ?

Tire plus fort !

Mes chevilles sont alors brutalement tirées vers le bas. Ma colonne vertébrale, violemment étirée, émet un craquement étouffé par la vase dans laquelle je suis enlisée.

Les quatre mains qui me tiennent tirent à nouveau. Et tout à coup, je me sens passer dans un étroit trou qui mène dans un espace bien plus grand que le mince boyau dans lequel je m'enfonçais.

Soudain, éjectée, je m'envole et retombe lourdement sur un sol herbeux et mouillé. Mes cheveux trempés me tombant dans les yeux, je ne vois rien. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé. Je descendais dans la vase, je suis passée dans un trou et me voilà sur le plancher des vaches.

- Elle ne bouge pas ! s'écrie une voix grave.

- Tu crois qu'elle est morte ?

Comme pour leur répondre, je me mets à tousser dans d'horribles râles noyés dans toute l'eau que j'ai ingurgitée. Je vomis l'eau marron du fleuve qui remplissait mes poumons. Ma trachée brûle, ma tête me lance, mes yeux pleurent des larmes invisibles sur mon visage trempé, mon cœur bat à toute allure. Mon cœur bat. Je suis en vie.

Une grande main amicale me tapote doucement l'omoplate. Je tourne ma tête tremblante vers le propriétaire de la main. C'est Ulysse qui me sourit d'un air soulagé. À côté de lui s'assoit Matthieu, qui sourit aussi malgré une peur qu'il semble avoir éprouvée peu de temps avant.

Ce dernier pose sa main sur mon épaule et me dit chaleureusement :

- Tu l'as fait, Swan ! Tu es sortie du pays des cauchemars en vie ! Tu nous as tellement fait peur qu'Ulysse est arrivé en urgence pour m'aider !

Je grelotte, trempée jusqu'aux os. Entre deux claquements de dents, je lâche d'une voix enrouée d'outre-tombe :

- Eh ben putain, tu avais raison, si j'avais su ce qui m'attendait là-dessous j'y serais pas allée...

Les garçons soufflent du nez, amusés. Le sarcasme m'aide toujours à dédramatiser. Ce qui fait que j'ai l'air de ne jamais rien prendre au sérieux. Situation parfois problématique.

J'ai terriblement mal à la tête. Je me sens fiévreuse et mon cœur s'emballe. Je recule alors sur les fesses pour aller m'adosser contre un arbre à l'écorce noire. Que c'est étrange de passer d'une imitation de la réalité pleine de couleurs au monde des rêves noir et blanc.

- Swan, intervient Matthieu, il faut que tu nous le dises vite avant que tu n'oublies.

- Euh, de quoi ? je balbutie, ivre morte de fatigue.

- Qu'as-tu appris dans le monde des cauchemars ? demande Ulysse.

Je me souviens alors de l'objectif de mon voyage dans ces ténèbres démoniaques. La main. Je devais récupérer des informations sur la main. Sur cette bague si étrange. Mais tout se mélange dans ce crâne que je sens comme lacéré par un million de lames de silex. 

La vie rêvéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant