Chapitre 5 Wolfgang

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Je me demande encore ce qu'il se serait passé si les hauts dignitaires nazis n'avaient pas été trop aveuglés par leur soif de conquête, s'ils s'étaient arrêtés avant de détruire le peuple et la terre qu'ils s'étaient jurés de protéger au péril de leur vie. Rien de tout ça se serait passé, ses morts inutiles n'auraient pas eu lieu. On ne m'aurait pas envoyé en France à Drancy pour remplir des fourgons à bestiaux avec des humains. 6 ans, 6 ans de terreur reconnue internationalement, mais personne ne se doute qu'Hitler a fait souffrir l'Allemagne avant de faire souffrir les autres de l'Europe. Dès la fin de la Grande Guerre, avec les Freikorps, les manifestations violentes en Bavière, mais après le pire est arrivé le 30 janvier 1933. Une date que nous croyions tous synonyme d'espoir, or elle était plutôt synonyme de la mort des allemands. Il nous a manipulés, forcés à nous haïr, à nous entre-tuer, tuer les autres pour arriver à ses propres fins à lui. Hitler n'a jamais pensé à l'intérêt du peuple allemand, il a utilisé l'armée qu'on pensait juste, la Wehrmacht, la Luftwaffe, la Kriegsmarine, la SS, la Gestapo... C'est un égoïste, un pur égoïste qui a toujours pensé qu'à ses désirs pervers et combler son complexe d'infériorité en se faisant passer pour ce qu'il n'a jamais été. Un homme fort.

Voilà le résultat, je suis coincé par les russes depuis bien trop de temps, pour reconstruire l'emblème d'une ville et d'un pays qui n'est plus. Forcé à travailler plus de 14h chaque jour jusqu'au dimanche, sous les coups de fouets, sous la peur, sous les balles perdus au gré des sautes d'humeur des officiers soviétiques. On est un groupe de 7 ou 8 anciens soldats allemands de la SS, certains viennent des camps de concentration, d'autres du Front de l'Est, et une minorité comme moi viennent des territoires anciennement occupés. Ce n'est plus la même mentalité que lorsque le moustachu était là, il n'y a plus de sentiment de fraternité, avoir les mêmes souches ne fait plus un motif valable pour s'entraider. Maintenant c'est chacun pour soi, tout le monde serait prêt à tout pour survivre et finir plus tôt leur punition, ils sont prêts à se soumettre à la volonté des pires hommes venus de l'Est, à renier qui ils sont. Je ne le ferai pas, je resterai digne jusqu'au bout que ce soit face à des Soviets, à des Anglais, à des Américains ou à des Français. Je reste fier, Elvire m'a toujours aidé à rester fier de ce que je suis et qui je suis pour ne jamais me renier pour avoir une vie facile. Elle m'a toujours dit « Il vaut mieux vivre difficilement sans perdre sa valeur qu'avoir une vie rêvée sans savoir ce que l'on vaut. ». Cette phrase prend aujourd'hui tout son sens.

Un coup de sifflet se fait entendre depuis nos tentes de fortune, en deux secondes nous voilà tous sortis, en uniforme de travail bien trop léger pour le froid mordant de février. Le blizzard nous gifle le visage et déséquilibre les plus maigrelets, affaiblis par le manque de nourriture, d'eau, d'hygiène et de sommeil. Je les regarde, leur os saillants, leur mâchoire disproportionnée, leur yeux vides, leur corps tremblotant de froid, ne réagissant même plus face aux cris des russes à deux centimètres de leur tête.

« Et toi qu'est-ce que tu as hein ? Regarde moi quand je te parle !!! »

Je lève mes yeux vers le vieil officier attendant à ce que je me soumette en reculant, telle la vision de l'allemand qu'on lui a inculqué à Moscou. Je maintiens mon regard dans le sien, réussissant à afficher un rictus, voir sa sale gueule se décomposer n'a pas de prix.

« Tu oses me regarder sale Boche ? »

Je ne cille pas. Il serre les dents, ne sachant pas trop s'il doit m'ignorer ou me tabasser jusqu'à ce que je ne me relève pas. Je me redresse, peine à garder mes épaules en arrière comme mes premiers entraînements à la caserne et j'attends mon châtiment, mais je ne me soumettrai jamais.

« Tu veux jouer à ça le Boche ? Allez couchez ! »

Le russe abat soudainement sa matraque sur mon arcade sourcilière, espérant que je sois aussi soumis que les autres en me couchant au sol. Malgré les secousses de plus en plus violentes, je ne tombe pas et encaisse les coups de poings au milieu du nez. Je plisse le nez face au sang, chaud, la seule source de chaleur possible dans cet enfer hivernal. Il s'énerve, accélère la cadence mais je ne tombe toujours pas, je me bats pour rester sur mes deux pieds.

Revers de Médaille Où les histoires vivent. Découvrez maintenant