Chapitre 27 Wolfgang

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Je relâche ce monstre, réalisant petit à petit les sept derniers mots prononcés. Ils se sont occupés de ma sœur... Je réfléchis, faisant mentalement la liste de tout ce qu'il aurait bien pu se passer. J'envisage le pire, je l'envisage mais je ne peux l'accepter. Je me tourne vers Antoine, guettant une réaction de sa part. Il ne dit rien, il garde son silence habituel, un silence de plomb qui me fait perdre patience plus rapidement qu'à l'accoutumée. Je jure intérieurement, presque prêt à faire un second génocide pour qu'on me ramène Elvire en un seul morceau, autant physiquement que mentalement.

« Vous allez payer Petrovitch !

– Oh tu crois ? Me nargue-t-il. Qui est-ce que l'on croira le plus entre le grand officier russe et deux petites victimes Boches protégées par un petit français ? »

Je m'apprête à le démolir quand la main de mon sauveur se pose sur mon épaule, je tressaute, rempli de haine. Mais lorsque je regarde le Français, je ne peux m'empêcher de sourire tel un dégénéré en constatant son visage crispé par la haine, la colère et la violence qui se prépare à s'abattre sur Petrovitch. Il a voulu jouer, il va perdre. Mon ami est quasi devenu l'officier supérieur français le plus respecté de Berlin, il a je ne sais combien d'hommes à ses ordres autant en Allemagne qu'en France, et malgré la puissance du Russkof son manque d'humanité causera sa perte face à Antoine.

« Vous l'avez cherché, autant l'un que l'autre, poursuit l'assaillant. Ce n'est pas comme si je vous avais prévenu à maintes reprises ! Vous avez continué à tuer nos hommes, vous avez continué à inciter ces petits vauriens à se rebeller, alors que je vous avais poliment demandé d'arrêter. Je vous l'avais dit, il vous fallait arrêter bien avant que je me décide à venger mes frères de sang.

– Madame Klein n'a strictement rien à voir avec ce qu'il se passe entre nous trois, ajoute le Commandant Verneuil.

– Quelle innocence, ou quelle idiotie Verneuil ! Cette Elvire a été le fruit de votre rébellion, Wolf a continué de résister sous mon joug à Mitte pour sa chère sœur aînée ce n'est pas nouveau. Et vous, misérable petit français, vous croyez tout de même pas que je ne suis pas au courant de votre amour pour cette femme ? J'ai suivi votre affaire depuis que vous l'avez nourrie comme une chienne en novembre 1945, je sais tout. Je sais que pour vous atteindre vous deux à la fois, il fallait s'en prendre à elle. »

Ma respiration s'accélère, si Antoine n'était pas à côté de moi, ce fumier serait déjà mort. Pour qui se prend-il ? Quel genre de bon soldat est-ce pour s'en prendre à une pauvre femme afin d'attendre ses cibles ?

« Ce n'est pas très courtois Petrovitch, j'ajoute. Ce ne serait pas très sympathique pour votre sublime carrière si nous avions toutes les preuves nécessaires pour vous faire couler, la Cour martiale serait d'accord avec nous.

– Vous êtes tous les deux bien naïfs de croire que le monde prendra la défense de deux allemands.

– Sache que tu le paieras cher camarade, souligne mon acolyte. Ce n'est qu'une question de temps avant que j'arrive à te faire tomber. Je sais que tu ne me croies pas, mais quand tu agoniseras entre mes mains, que tu me supplieras de te tuer pour ne plus souffrir, tu te diras " ah merde, finalement ils avaient raison ", car bafouer les droits humains de la plupart des constitutions européennes ne fera que causer ta propre perte. Maintenant déguerpis, on se reverra ne t'inquiètes pas, mais il vaut mieux pour toi que ce soit dans un très long moment. »

C'est bien la première fois que j'assiste à ce genre de scène. Le russe recule de trois pas, entrouvre la bouche dans l'espoir d'avoir une réplique mordante à balancer, mais il ne dit rien, lui aussi outré par l'air furibond d'Antoine. Une âme de furibond dans une carapace de grand sage. Il est toujours aussi impassible, d'une apparence très calme et confiante, les bras le long du corps, le visage à la fois détendu mais crispé, en alerte au cas où Petrovitch se déciderait à répliquer, ses prunelles grises semblables à des missiles dissuadent totalement le Russkof. Le voilà parti, il s'en va d'un pas rapide, mais la rapidité d'un soldat confiant, mais celui du prédateur qui s'en est lui-même trouver un. Dès que sa silhouette disparaît, j'attrape mon ami par les épaules.

Revers de Médaille Où les histoires vivent. Découvrez maintenant