Chapitre 29 Elvire

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Cela fait plus d'un mois. Un long mois que je n'arrive pas à supprimer le visage de Petrovitch de mon esprit, que je sens encore son poids, sa sueur, son souffle glissaient sur moi, ses petits rires face à ma faiblesse, mon incapacité à pouvoir le repousser. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit si compliqué, à ce que j'ai encore du mal à respirer sans me dire que je suis en sécurité chez-moi, oh non, je ne suis pas forte, je ne l'ai jamais été. Lorsque je vois le courage de ma tante après son agression par des français, elle a parfaitement réussi à s'en remettre alors que moi... J'ai juste l'impression d'être faible, une pauvre petite chose qui a été trop dorlotée dans sa vie pour être dans cet état. Je crois surtout que si je suis loin d'aller mieux, c'est à cause de la manière d'agir des autres, tout le monde à part Wolf qui est tellement effrayé de ce qu'il s'est passé qu'il fait comme si cela n'avait jamais eu lieu. Que ce soit ma mère m'ayant sorti que de belles sornettes sur son soutien, mon époux qui me fuit comme la peste, Klara qui ose croire que j'ai menti sur cette horreur, tous me regardent telle un monstre. Je ne sais pas ce que j'ai fait pour être traitée de la sorte, est-ce réellement ma faute ? Je commence à le croire... La solitude m'emporte, je ne peux m'empêcher de me sentir seule face à ce gouffre d'absence venant de mes proches.

Je ne demandais pas que l'on me prenne en pitié, mais j'aurais juste aimé que l'on me considère comme j'étais avant, une femme, simplement une femme et non une paria.

Je m'observe avec dégoût devant mon psyché, habillée d'une robe hivernale beige descendant jusqu'aux chevilles, à manches longues. J'essaie de couvrir les restes de marques rouges sur mon cou avec une écharpe, mais la sensation d'étouffement l'emporte, je finis par le jeter sur mon reflet. Petrovitch m'a rendue laide, une pure laideur. Mon visage arbore à nouveau cette allure creuse, mes yeux bleus fades, ternes, sans aucun éclat, et mes cheveux blonds, hirsutes me rappellent ces pauvres juives que l'on voit dans les magasines sortant des camps de concentration. Je tente tant bien que mal de me maquiller, pour camoufler les dégâts, redonner des couleurs à mon teint, que je ne ressemble pas à une chimère.

« Elvire ? »

Je cache mon sursaut lorsque Rainer rentre en trombe dans la pièce. Ses yeux posés sur moi me donnent la nausée, mais je n'ai pas le droit de le montrer, il est mon époux, il a officiellement tous les droits de me regarder. Son étincelle de désir quand il me regarde de la tête aux pieds, sa pomme d'Adam montant et descendant, sa bouche légèrement entrouverte pour me dire ce qu'il désire, tout ceci me rebute, m'anime de violents frissons de dégoût. Il n'a pas l'air de s'en rendre compte puisqu'il pose sa grande main sur ma taille, et pose un baiser sur la joue. Je recule, sans même y prêter attention.

« Mon ange, tu sais très bien que je ne te ferai jamais de mal. »

Je ne réponds pas, n'étant plus du tout sûre des paroles des hommes. La plupart du temps, je l'ai bien compris, ils vous racontent des récits remplis de belles paroles, pour au final mieux vous planter un couteau dans le dos, ou directement dans le cœur.

Rainer insiste en me regardant dans le psyché, dans son impulsivité habituelle.

« Enfin peux-tu répondre ?! Je ne suis pas un violeur bordel ! »

VIOLEUR.

Ce mot amène un flot de larmes que j'ai du mal à contenir. Je veux tellement bien aller, que j'en oublie ce qu'il s'est concrètement passé. J'ai été agressée, j'ai été violée, et le Capitaine Petrovitch est mon violeur.

« Elvire, reprend-il d'un ton faussement plus calme. J'estime que je suis très patient avec toi, on l'est tous. Maintenant ça fait un mois que ça s'est passé, il faut que tu te relèves, que tu reprennes ta vie d'avant. »

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