Chapitre 25 Elvire

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Le Capitaine Verneuil m'observe d'un œil curieux, après quelques minutes passées dans un silence de plomb, je ne lui ai toujours pas dit la raison de ma venue. Je me suis simplement contentée d'éviter la vraie raison de pourquoi je suis ici, en lui posant tout un tas de questions. Peut-être que pour une fois pourrais-je voir cet homme sans que ce ne soit synonyme de drame ?

Il ne prononce pas un mot, s'adosse à son bureau avant de me redemander, un léger sourire compatissant aux lèvres.

« Que venez-vous faire ici ?

– Je venais vous dire quelque chose...

– Ne vous gênez pas voyons. »

Je croise à nouveau ces magnifiques prunelles semblables à deux pleines lunes, elles s'obscurcissent en voyant mon visage se crisper. J'aperçois ses phalanges blanchir contre le rebord du bois, avant qu'il ne se relève et se poste en face de moi, assez proche pour que je sente son parfum ambré et son souffle mentholé ricocher sur mon visage. Il passe sa grande main de velours sur ma joue.

« Rainer ne vous a pas fait de mal ?

– Non, non absolument pas... Mais, je suis sûre que vous êtes en danger. »

Coiffé de ce rictus mi angoissé mi moqueur, Antoine m'assure que vu son nouveau statut de Commandant, il ne peut pas être en danger. Je m'énerve alors, parfaitement consciente des comportements vicieux de Krämmer et Rainer, ils doivent déjà être en train de se renseigner sur le " soldat français ", récoltant toutes les informations possibles. A l'heure où je me masse les tempes, mon époux est au courant de ma relation avec Monsieur Verneuil, il le sait, et connaissant son caractère très impulsif... Ils élaborent un plan. Antoine est la cible numéro un, que ce soit pour mon mari ou pour les Russes. Tous sont au courant que pour atteindre un maximum de personne, il faut blesser cet homme.

« Krämmer lui a dit que vous étiez un obstacle pour sa nouvelle vie à Berlin ! Vous ne les connaissez pas Antoine. Ce Colonel a buté toute une division qui touchait même pas les 20 ans, sans aucun remord, juste pour que Rainer puisse revenir. Regardez ce qu'il pourrait être capable de vous faire ! Mon mari va le suivre, il le considère comme son père, un espèce de messie qui a toutes les informations nécessaires sur nous. Vous êtes en danger, je le répète. »

Le Commandant Verneuil ne dit rien, alors je continue mon discours.

« Ils ont une vision du monde totalement délirante Antoine, ils vous considèrent comme un danger à sa prospérité à Berlin sans savoir que...

– Que devrait-il savoir Elvire ? Vous l'avez toujours attendu quand je vous ai donné une opportunité de refaire votre vie.

– Sans savoir que vous avez été le seul individu qui a offert la paix, à mon frère et à moi. »

Ses yeux s'écarquillent, visiblement surpris que j'arrive enfin à poser des mots sur ce que je ressens. Si seulement les circonstances étaient différentes... Si seulement ce que je faisais n'était ma synonyme de tromperie et de traîtrise pour un époux revenu une décennie après. J'en ai plus qu'assez. Je veux être honnête, prendre des risques, la vie est une succession de risques à prendre, et j'ai passé la plupart du temps à exister au lieu de vivre.

« Elvire, vous vous inquiétez pour moi je dirai.

– Oui je m'inquiète. »

Il rit presque.

« Vous moquez-vous ?

– Absolument pas.

– Antoine, prenez ça au sérieux. Je n'ai pas pris le risque de venir pour voir rire comme un idiot !

Revers de Médaille Où les histoires vivent. Découvrez maintenant