Chapitre 23 Wolfgang

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Notre mère est en convalescence depuis quelques heures, son gendre à son chevet. Je soupire pour la énième fois, mélange de soulagement et de culpabilité. Si je ne résistais pas... Si je continue à résister... Tel est le dilemme qui se bouscule dans ma tête dès que j'ai vu celle qui m'a donné la vie ensanglantée dans la rue, contre le mur. Personne ne s'en souciait... Le seul qui s'en est soucié, c'est moi, celui qui a causé cette horreur sur son ventre qu'elle gardera à vie. Ce foutu symbole causant la mort partout où il passe, si elle croise à nouveau des Russes... Ils sauront ce qu'elle a, ils le considéreront comme leur propriété.

Tuer sa propre mère, sale montre ! Me répète mon inconscient.

J'essaie de chasser ces mauvaises pensées de ma tête. Je me concentre sur l'instant présent, ma sœur et moi dans ce foutu sellier où elle m'a sauvé la vie, l'un face à l'autre. Je la regarde, ses beaux yeux normalement bleus sont devenus plus noirs qu'un profond océan déchiré par la haine des prétendues divinités marines. Je suis prêt à jurer que si une partie d'elle n'avait pas pitié de moi depuis que j'ai retrouvé ma liberté d'homme, elle m'aurait déjà lacéré la gorge depuis un moment. Je toussote, l'incitant à parler et non pas m'arracher le peu de culpabilité que j'arrive à ressentir.

« Elvire je...

– Je veux des explications, je veux la vérité. Putain ! Crie-t-elle.

– La vérité c'est que je suis le chef d'un énorme réseau de résistance qui lutte face à l'oppression des Soviétiques. »

Elle se met à rire, Elvire rit pour la première fois depuis je ne sais combien de temps. C'est comme si mes paroles ajoutaient un aspect concret à la situation actuelle catastrophique.

« Je le sais ! Petrovitch est venu me voir il y a quelques mois pour me le dire. Mais je suis énormément déçue, pourquoi tu ne m'en as pas parlé Wolf ? Après tout ce qu'on a passé ensemble ! Tu sais très bien que je t'aurais soutenu face à tout n'importe quoi et n'importe qui, j'aurais pu t'aider à résister et à mettre le Russkof hors champ ! Regarde ce que ton silence a emporté, tu t'es mis dans une pagaille pas possible tout seul...

– Non Antoine est avec moi sur le coup...

– Oh mais quelle surprise !!! Je m'en fiche royalement qu'Antoine soit là ou pas ! La seule chose importante c'est que maman a été marquée au fer rouge bordel !! »

Elle se met à pleurer, l'accumulation de toutes ces ondes négatives la percutent violemment. Je ne fais rien, car tout ce que je pourrais faire à cet instant précis se retournerait contre moi.

Elvire ne peut pas me demander d'arrêter de résister face aux Russkofs, après tout ça... C'est devenu une seconde nature, incontrôlable, inarrêtable, je ne peux plus m'en empêcher. Je ne pourrai plus vivre normalement tant que les Alliés seront en Allemagne, tant que ces foutus vainqueurs causeront la mort de mes frères de sang... Telle est ma volonté la plus profonde, être le partisan de valeurs et démocratiques après avoir passé les douze dernières années de ma vie à servir le Diable.

« Tu comptais m'en parler quand ?

– Jamais.

– Mais tu te fous de moi ?!

– Elvire, t'as passé huit putain d'années malheureuse à attendre le retour de ton tendre époux. Huit ans à t'occuper de Maman et moi jusqu'à t'oublier toi-même ! Je ne voulais pas gâcher ton bonheur par quelque chose qui j'espère ne te touchera jamais.

– Mais Wolf, tu n'es pas le seul à t'être fait torturé ! Alors pourquoi t'acharner ? Me demande-t-elle. »

Je soupire, sentant déjà que sa peur ne nous mènera à rien de constructif.

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