jour 122

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— Putain, j'y arrive pas !

Denis jeta un regard noir à Salvator qui le lui rendit bien. Pour son premier jour sans une seule heure d'isolement depuis l'incident aux allumettes, Salva savait qu'il devait se tenir à carreau. Mais la pâte s'effritait entre ses doigts.

— Si tu sais pas mélanger de l'eau, de la farine et du sel, on peut plus rien pour toi, cracha Denis en passant derrière lui.

Salva eut beaucoup de mal à retenir la pulsion qui lui dictait de lui envoyer son pâton en pleine tête.

— Ajoute de l'eau.

Son attention se focalisa illico sur Micka qui malaxait une belle boule uniforme.

— C'est écrit un verre d'eau.

— Oui, mais là y en a pas assez. C'est pour ça que ça part en bouts. Mets, tu verras.

Non sans souffler, Salva versa de l'eau sur sa pâte et se remit à la malaxer. Elle lui collait maintenant aux doigts.

— Mais... t'en as mis beaucoup trop ! T'as plus qu'à remettre de la farine.

— Vas-y ça me fait chier là. J'ai trois ans ou quoi pour jouer avec de la pâte à sel.

— Visiblement t'as moins que ça vu que tu sais pas le faire ! argua Florent, fier de sa répartie.

Les pupilles de Salva se rétrécirent comme il le fixait.

— Ce que je sais faire c'est une patte retournée avec des ongles. Si tu connais pas, tu peux la voir de près.

Florent fronça les sourcils avant de comprendre, voyant que Salva soulevait sa main, mimant le geste de lui en coller une. Il se tut aussitôt et retourna à ses occupations. Satisfait, Salva jeta une poignée de farine dans son saladier sous l'œil amusé de son voisin.

— Est-ce que tu comptes refaire une exposition de tes œuvres ? J'avais bien aimé la première.

L'agacement fondit aussitôt qu'il entendit Micka. Ce dernier s'appliquait pourtant très sérieusement à son travail, tant qu'on l'aurait cru le plus concentré de tous.

— C'est vrai ? T'aimes mon art, Mickado ? Ça tombe bien, je cherche un modèle pour faire un moule. Viens. On va devenir célèbres.

— J'accepte plein de défis, mais mettre ma bite dans une pâte à sel, c'est mort.

— T'avais l'air d'aimer le ciment pourtant...

Ils pouffèrent de rire, attirant l'attention du reste de la salle sur eux.

— Qu'est-ce qui vous fait rire les pignoufs ?

L'amusement retomba aussitôt que Denis s'approcha d'eux.

— Rien. C'est juste la texture bizarre, répondit Micka.

— Ils parlaient de bites.

Salva eut le temps d'apercevoir le regard de Micka se poser sur Florent. Plus rien en lui ne montrait de patience. Sa bouche se tendait en une ligne fine. Ses yeux s'étrécirent, passant l'envie à Florent de continuer sa dénonciation.

Denis s'approcha de Salva. Il se campa devant lui, le buste légèrement penché.

— T'avises pas de redécorer une pièce avec ne serait-ce qu'une seule queue parce que je te la fais avaler jusqu'à ce que tu pisses du sel. C'est compris ?

Salva prit une profonde inspiration, prêt à dégainer une salve de son vocabulaire le plus fleuri, seulement Micka se racla la gorge. Il ne les regardait pas, occupé à modeler une aile. Salva perçut le message et se contenta de baisser les yeux en retravaillant sa pâte. Sans réponse, Denis repartit, scannant le moindre geste, la moindre parole de ces adolescents qui ne méritaient pas une minute de loisir ou de plaisir au regard des actes dont ils s'étaient rendus coupables.

La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant