— Allez, les mains bien en évidence. Pas de mouvement brusque. Si vous faites ce qu'on dit, ça va bien se passer, déclara un policier.
Salvator, comme les autres, leva les mains à plat. Aux portes de la salle à manger, Yolande pleurait. Elle n'avait pas eu le temps de laver le sol, tout juste celui de ramasser le maximum de débris, si bien que des déchets jonchaient encore les carrelages. Confiture, beurre, lait, pain...
Chacun leur tour, ils furent menottés, bras dans le dos. Le cœur de Salva menaçait de s'arrêter sous la pression. Il respira un peu mieux en apercevant Mickaël pénétrer dans la pièce, entravé lui aussi. Des sillons de larmes se devinaient sur sa peau rosie d'avoir tant pleuré.
Un instant, Salva eut envie de hurler. Il supportait bien des expressions sur le visage de Mickaël, mais certainement pas la douleur. Il préférait encore la colère, même si elle lui était destinée.
Le policier derrière lui l'invita à avancer pour rejoindre ses camarades. Mickaël se plaça à la droite de Salva, le menton baissé, la bouche si basse que Salva crut qu'il allait se remettre à pleurer.
— Chef, lança l'homme ayant raccompagné Mickaël. On a un souci.
Chaque membre de l'équipe de police se retourna vers l'officier. Salva lui, n'avait d'yeux que pour son voisin. Mickaël ne le regardait pas. Les épaules voutées, il fixait obstinément le sol souillé.
— Putain, Micka... Qu'est-ce qu'y a ? Il t'a fait du mal ?
Mickaël secoua la tête, de manière infime. Il osa jeter un coup d'œil en direction du groupe d'hommes à quelques mètres d'eux. Quelques larmes restaient accrochées à ses cils. Ses yeux criaient le désespoir. Mais sa bouche, remarqua Salva ahuri, s'étirait tendrement vers le bas.
Putain, il sourit. Il sourit... le bâtard.
— Putain, mais... j'y crois pas.
Celui qui semblait être le chef se tourna soudain vers les garçons. Il y eut à peine un souffle dans la salle. Seul le cliquetis du trousseau de clés de Serge retentit, dansant entre les doigts de l'homme.
— Bon. J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous. La bonne c'est que vous allez tous sortir d'ici. Temporairement. La mauvaise... c'est qu'on va avoir une petite discussion avec chacun de vous. C'est valable pour vous, madame, dit-il en se tournant légèrement vers Yolande. Alors autant dire que la journée va être longue. Au mieux vous coopérez, au plus vite on aura fini. Vous allez être bien gentils, faire ce qu'on vous dit, parler uniquement quand on vous le demande, et tout va bien se passer. Capiche ?
Les mains jointes devant sa bouche comme en une prière, Yolande ne savait qui regarder.
— Mais... on ne peut pas quitter le centre. Ils...
— Sauf votre respect, madame, on peut tout ce qu'on veut. Il n'y a pas d'éducateur en poste. Vous êtes libre de suivre ou de rester là si vous préférez gérer la situation là-haut. En tous les cas, vous serez recontactée, déclara-t-il en lui tendant le trousseau de clés.
Un à un, les garçons furent emmenés. Yolande les observa investir vers le fourgon au compte-gouttes tandis que les pompiers à l'inverse, pénétraient le bâtiment. Elle aurait aimé les accompagner, mais elle devait diriger ces hommes dans le centre et achever de nettoyer pour que tout soit propre quand les pensionnaires reviendraient. Deux policiers furent détachés et chargés de rester sur place en cas de besoin.
— Par ici, messieurs... souffla-t-elle en désignant un couloir.
Elle prit tout son temps et s'assura que le fourgon avait quitté le parking quand elle déverrouilla la chambre d'isolement derrière laquelle Serge écumait de rage. Il était cependant incapable de se relever. Il se contenta donc de proférer la liste entière de son vocabulaire ordurier. Yolande ne put s'empêcher de penser qu'il était de tous, et de très loin, le plus pitoyable des occupants de ces lieux.
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La minute effacée - (MxM)
RomanceUn soir de 1994, Mickaël, jeune délinquant de la route, vole une énième voiture. Cette fois sera la bonne pour la brigade qui le prend en chasse. Très vite il est jugé, et emmené dans un centre pour délinquants. C'est là qu'ils se rencontrent. Deux...