jour 127

568 87 515
                                    

— Cap de sortir ?

— Sortir ? répéta Salva.

Il s'amusait à faire rouler la moto miniature sur le mur dont les roues cahotaient contre les irrégularités de l'enduit. Minuit avait sonné depuis longtemps. Son heure préférée étant donné que le centre se taisait la nuit. Les autres dormaient, les éducateurs pour la moitié, aussi. Ce qui lui laissait le champ libre pour se faufiler dans la chambre de Micka.

— Sortir... répéta Mickaël tout bas.

— J'espère que tu causes pas de sortir du centre parce que je te rappelle que c'est toi qui as dit : plus de conneries dans nos dossiers !

Depuis quelque temps, ils se lançaient des défis. Cela les occupait. Ils alternaient dans leurs demandes, et si elles avaient commencé presque innocemment, de manière enfantine, ils escaladaient peu à peu les barreaux de l'insolence.

— Plus de conneries dans nos dossiers implique juste d'être assez malin pour ne pas se faire prendre... argua Mickaël.

Salva se redressa tout à fait. Mickaël suivit le mouvement du regard. Son sourire se devinait sous la brume lunaire dans l'obscurité.

— C'est pas toi aussi qui as dit qu'il fallait mieux utiliser son intelligence. Pour autre chose que des conneries ?

— Je parlais de toi. C'est pas valable pour moi...

La plaisanterie échauffa Salvator qui fondit sur lui, barbouillant ses cheveux bruns. Micka ne se défendit même pas. Après un moment de silence comme ils aimaient l'écouter, il reprit, plus calme, mais définitivement sérieux.

— C'est pas bien, je sais. Mais... j'en ai marre d'être ici.

— T'as hâte de sortir ?

Mickaël n'aurait su le dire. Un triste mélange des deux. Cette pensée lui rappelait que ses jours avec Salva étaient comptés. Même si Salva n'avait jamais vraiment pris la peine d'énoncer son choix., Mickaël le devinait. Son avenir était ailleurs. Et le sien plus qu'incertain.

— Pas forcément. Juste... j'ai besoin de prendre l'air. Je deviens dingue là. Et j'arrive pas à ne pas y penser. Je pense à dehors et à ici. On est coincés toujours dans les mêmes mètres carrés.

Salva ne voyait pas bien le problème. Le centre lui paraissait gigantesque, sans compter le jardin. Pour lui, l'endroit relevait presque du luxe. Il avait du mal à saisir en quoi ce lieu était censé être une punition d'ailleurs. Il supposait que les autres avaient connu mieux. Quand on connaissait mieux, on avait toujours du mal à se passer du confort acquis. Mais pour lui, avoir trois repas chaque jour, de l'eau autant qu'il en voulait, un lit, et même de la lumière représentait le comble du bonheur. Il ne voyait pas ce qu'il pouvait espérer de mieux dans la vie. Le reste n'était que du bonus.

Il n'y avait bien que les gens sans problème pour se prendre la tête sur la texture d'un canapé ou la couleur des murs.

— Mais tu veux sortir où ?

— J'en sais rien. Juste... Bouger. Me promener. Sans quelqu'un sur notre dos. Juste toi et moi.

Rien que nous.

L'environnement importait peu à Salva. Tant que Micka se trouvait là, il pouvait bien terminer au milieu d'un désert ou de l'espace, pour ce qu'il en avait à foutre. Il ne connaissait rien en tous les cas. Rien à part ce garçon.

— Tu veux repiquer une bagnole ?

— Nan. Je veux marcher un peu. On saute le mur. On revient après. Personne ne verra si on revient avant que l'éduc du matin se pointe.

La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant