jour 128

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Ils étaient rentrés au petit matin. Le temps de passer sous la douche, dissimuler les habits sales avant de trouver un moment pour les fourrer discrètement dans la machine, et déjà Carole prenait son poste. Aucun des garçons ne fit attention à leurs visages alourdis de fatigue.

Seules Carole et Yolande les observaient du coin de l'œil. Yolande versa deux louches de lait froid dans le bol de Mickaël avant de poser la main sur son front.

— Ça va ? Tu es malade ? Je te trouve pâlot.

— Non. Juste fatigué.

— Mange un peu plus, ça ne te fera pas de mal.

Elle tapota son épaule avant de rejoindre la cuisine où elle s'attelait à des confitures maison.

— Mal dormi ? demanda Carole, le nez collé sur le journal du matin.

Son café noir fumait devant elle.

— Oui.

— C'est drôle... Salvator aussi.

Salva fourra une tartine dans sa bouche pour s'empêcher de ricaner.

— Ah oui ?

Il admira la façon dont Mickaël rendait son attention à l'éducatrice. L'air sérieux malgré ses cernes, il avait tout de l'innocent prenant connaissance d'une information jusqu'alors ignorée.

— Oui...

— C'est sûrement la pleine lune, m'dame ! argua Salva.

Mickaël profita d'avaler une gorgée pour dissimuler son visage rieur dans le fond de son bol. Il pouvait tromper le monde, mais les bêtises de Salva le laissaient rarement de marbre.

— Ben tiens...

Carole ne rebondit pas sur cet argument fallacieux. Comme la juge, elle avait pris le parti de ne pas réagir tant que les âneries de ces ados n'avaient pas lieu sous son nez.

— M'dame, vous avez pas deux élastiques ? Les gros là.

Carole et Mickaël observèrent Salva. La première, par souci, l'autre par curiosité.

— Pour faire quel genre de connerie ?

— C'est pas une connerie. 'fin, c'est pas des trucs graves. C'est juste un jeu.

Désireux de ne pas être entendu, Salva se leva pour lui expliquer tout bas ses intentions. Mickaël vit l'éducatrice secouer la tête. Pourtant le sourire qu'elle érigea lui indiqua que ce n'était rien de préoccupant. Ils disparurent après le petit-déjeuner.

Quand Salva revint, le reste du groupe s'était éclipsé pour effectuer quelques tâches de ménage. Mickaël terminait tout juste d'essuyer la table au moment où Salva lui prit la main.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Sans répondre, il lui passa l'élastique autour du poignet, auquel était attaché un bout de ficelle.

— C'est pour faire quoi ? continua Mickaël.

Salva brandit sa main parée d'un élastique accroché à l'autre extrémité de la corde.

— Pour la journée. Cap ou pas cap ?

— Toute la journée ? Mais c'est n'importe quoi. Comment on va aux toilettes ?

— C'est pas mon problème. On avisera. Alors cap ?

Mickaël leva le bras. La ficelle entre eux pendouillait. Il évalua sa longueur à moins d'un mètre.

— Je suis droitier.

— Ouais bah moi aussi. Mais comme c'est ton défi, à toi d'avoir la main droite euh... comment on dit...

La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant