La serrure cliqueta. Salvator redressa le menton. Le jour était revenu, emportant avec lui la moitié de ses frayeurs. Il n'avait aucune raison de redouter quoi que ce soit. Peu importe ce qui se passerait, il ne regrettait rien. Si c'était à refaire, il le referait mille fois encore. Depuis, il s'était tenu à carreau, désireux de ne pas aggraver son cas. Il n'avait aucun intérêt à continuer son barouf. C'était visiblement ce que Carole se disait, car elle ouvrit la porte, les bras ballants, et en guise de bonjour, un simple « allez, dehors. »
Salva prit appui sur ses paumes pour se redresser.
— Vous me faites sortir ?
— À condition que tu prévoies pas de foutre le centre en l'air. Je t'octroie une sortie. Même les meurtriers en prison ont le droit de prendre l'air. Je ne vois pas pourquoi pas vous. Allez. Profites-en tant que c'est moi en poste.
Salva ne se fit pas prier. Sans même songer à dire un « merci », il se précipita dans la chambre d'en face. Carole tenta bien de protester, mais il n'écoutait plus. La porte restait ouverte par ailleurs, prouvant qu'il ne faisait rien de mal. Rien de plus que se pencher sur le lit, dégager un bout de tête en écartant doucement le drap, et murmurer un diminutif que lui seul se sentait en droit de murmurer.
Mickaël inspira profondément, tiré d'une torpeur bienfaitrice où il ne souffrait pas. Toutefois, savoir Salva si proche valait bien d'autres maux à endurer. Il se contenta d'un vague « hmm » signifiant « je suis content que tu sois là, j'espère que tu n'as pas passé un trop sale moment. Reste un peu », ce que, d'une manière ou d'une autre, Salva dut saisir, car il finit par s'asseoir près de lui, dans le lit.
Il n'eut pas besoin de dire un mot. Carole le comprit à ses yeux suppliants. Elle lui indiqua sa montre – une demie heure, pas plus – ensuite il serait plus que temps de déjeuner. La porte demeura entrebâillée, mais Salva s'en fichait. Parmi les règles tacites de cet endroit figurait en bonne tête le fait de ne pas emmerder un gars déjà physiquement au sol. Il n'y avait aucun honneur là-dedans.
Micka se poussa pour lui faire de la place. Il ne broncha pas quand Salva colla sa paume chaude sur son front.
— T'as de la fièvre encore ?
— T'as qu'à pas te coller à moi.
— Nan mais sérieux... T'as toujours mal ?
— Un peu moins...
N'ayant pas d'énergie à dépenser dans le fait de parler, Mickaël se tut. Il ne râla pas quand Salva prit un peu trop de place parce qu'il aimait davantage son bras qui l'entourait. Il ne râla pas non plus quand le souffle de Salva s'échoua sur sa nuque, lui donnant froid, parce qu'il aimait plus encore la chaleur de son corps qui se diffusait dans son dos. Il ne râla toujours pas quand Salva reprit la parole pour lui dire des choses qu'il savait déjà, parce qu'il aimait sans limites...
— Tu savais que pour appeler les secours faut appeler le 15 ? Et la police le 17.
— Non...
— Et les pompiers le 18. C'est Yolande qui m'a dit. Faut le retenir.
— Ok.
... Salva
Le petit-déjeuner s'effaça derrière un sommeil qui les rattrapa soudain. Ne voyant personne descendre, Carole finit par revenir, agacée par la tenace impossibilité de ces gamins de respecter ne serait-ce qu'une règle clairement énoncée. Elle abandonna toute forme de récrimination en les découvrant endormis, Mickaël calé entre Salva et le mur, le visage presque caché sous le drap, et Salva, le pouce dans la bouche, n'ayant pas daigné trouver le sommeil tant qu'il n'avait pas déniché un environnement jugé sécurisé selon divers éléments que lui seul connaissait.

VOUS LISEZ
La minute effacée - (MxM)
RomanceUn soir de 1994, Mickaël, jeune délinquant de la route, vole une énième voiture. Cette fois sera la bonne pour la brigade qui le prend en chasse. Très vite il est jugé, et emmené dans un centre pour délinquants. C'est là qu'ils se rencontrent. Deux...