Il est 22h quand mon téléphone sonne. Je me suis endormi, la boule à la gorge à force de retenir mes larmes. Je décroche en voyant le nom de ma mère sur l'écran.
— Allô ?
— Coucou mon chéri comment vas-tu ?
— Ça va et toi ?Je me bat contre moi-même pour garder une voix neutre et ne pas fondre en larmes.
— Ça va bien. Je voulais prendre de tes nouvelles puisque ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus.
— Oui parce que tu m'as viré de la maison ! dis-je en haussant la voix malgré moi.Je vois Axel se réveiller en sursaut en entendant ma voix et me regarde, perplexe. Je lui fait comprendre que tout va bien puis écoute la réponse de ma mère.
— Je me doute que tu es en colère Ariel, mais tu sais que c'est pour toi que j'ai pris cette décision tu sais ?
— Pour moi ? C'est pour moi que je passe mes week-ends dans cet établissement de merde ? C'est pour moi que je dois supporter le gars qui m'harcèle sept jours sur sept ? C'est pour moi ou pour ce bouffon qui me sert de père ?Ma mère ne répond pas. Énervé, je jure une dernière fois puis lui raccroche au nez. Je jette mon téléphone sur mon lit puis m'assois, la tête dans les mains.
— Tu veux en parler ? me demande Axel.Je fonds devant son ton réconfortant. Mais je ne veux pas l'inclure dans mes histoires débiles donc je fais non de la tête.
Quelques secondes plus tard, son ventre grogne. On n'a pas mangé ce soir, trop fatigués et choqués par la bagarre. Il rit, un peu gêné, puis me dit qu'il va acheter quelque chose au distributeur. Je ne dis rien puis, une fois la porte fermée, je frappe le mur menant vers l'extérieur, de mon poing. Je suis tellement enragé que je frappe une deuxième fois, puis une troisième, ne m'arrêtant plus.
J'en ai marre d'être la victime de tout le monde. J'en ai marre de me faire battre et insulter par les autres de mon âge. J'en ai marre d'aimer un gars hétéro.
Mais pourquoi je pense à lui maintenant ? Je secoue la tête puis pense à ma mère, sans m'arrêter de frapper. Une des rares personnes que j'aime m'a lâchement abandonné pour un bâtard d'homophobe. Je tape le mur plus fort.
Soudain, je sens quelqu'un m'entourer de ses bras pour me faire arrêter et me reculer. Je reconnais son parfum. Il est venu m'aider. Encore une fois. Je m'assois sur mon lit, essoufflé.
Quand je reprends mes esprits, je sens que mes joues sont mouillées. J'ai dû pleurer en frappant le mur. Puis mes mains me font très mal. Je les regarde et vois mes phalanges toutes écorchées. Axel le voit aussi et se dirige vers son bureau pour prendre les restes de bandages que nous avait donnés l'infirmière.
Il s'accroupit devant moi, puis sans un mot, me demande de lui montrer mes mains. Je m'exécute et quand je sens ses mains contre les miennes, ma chaleur corporelle augmente. Mon pouls s'accélère pendant qu'il enroule mes mains dans le bandage mais j'essaie tant bien que mal de me calmer.
Quand il a terminé, il me regarde d'un oeil doux. Je louche sur ses lèvres et, le réalisant, je détourne la tête en murmurant un "merci". Il hoche la tête puis retourne sur son lit, sans un mot. Il n'insiste pas pour avoir des explications et je lui en suis reconnaissant. Je ne veux pas en parler, pas tout de suite.
Le lendemain, Élise nous saute dessus et nous regarde d'un œil "je veux tout savoir" en voyant nos bleus et mes bandages. Je lui fais comprendre de ne pas insister et elle m'écoute, même si je sais qu'elle ne va pas laisser tomber pour autant.
À la récréation, on se dirige, Axel et moi, vers l'arbre pour rejoindre Élise. Elle nous regarde nous asseoir puis attend qu'on lui explique. Alors je commence à parler. Je lui raconte tout ce qu'il s'était passé en omettant le "presque" baiser.
Axel ne dit rien, il a la mâchoire crispée et les poings fermés. Liz ne dit rien non plus. Elle écoute tout ce que je dis attentivement.
— Quel bâtard ! Je vais lui montrer moi, ce que c'est de s'en prendre à mon meilleur ami ! dit-elle en serrant aussi les poings.Je me sens soudain oppressé entre ces deux énergies colériques. J'essaie donc de calmer le jeu comme je peux :
— Ne t'inquiètes pas, ça ne sert à rien, on l'a déjà fait. Je pense qu'il a compris le message, dis-je en essayant plus de me convaincre moi-même que ma meilleure amie.
— Il a intérêt...Plus personne ne parle. Axel n'a pas dit un mot et ça m'inquiète un peu. Je jette alors un regard dans sa direction et vois qu'il n'a pas bougé depuis tout à l'heure. Il est toujours aussi énervé.
— Il ne va pas abandonner sur une défaite, lâche-t-il soudainement.
— Eh ben, s'il revient, on sera là pour l'attendre, répond Élise.
— Arrêtez. Il faut laisser tomber, voilà. Ne le provoquez pas, ça va mal finir. S'il continue à m'insulter, ce n'est pas grave, j'ai l'habitude...
— Mais justement ! Tu n'as pas à avoir cette habitude Ariel ! Ce n'est pas normal tu m'entends ? Ce n'est pas normal d'insulter quelqu'un à cause de son prénom ! Et ça commence à devenir des menaces de mort ! s'emporte Axel.Je sursaute face à son changement de ton.
— Comment ça des menaces de mort ? Ariel tu m'expliques ? me demande Élise, une lueur d'inquiétude dans ses yeux bleus.
— Killian lui a dit qu'il fallait qu'il aille se faire pendre. Et c'est à ce moment-là que je l'ai frappé, lui explique Axel, toujours autant énervé.
— Ce n'est pas grave Liz, je te le promet. Je n'ai même pas entendu qu'il avait dit ça, je vous assure que ce n'est pas grave... dis-je pour essayer de calmer la situation.
— Tu n'as pas entendu ? Alors pourquoi es-tu resté figé un moment après ça ? Tu m'expliques, à moi aussi ?Axel commence à hausser sérieusement le ton, et je n'aime pas ça du tout mais je ne dis rien. Il est furieux et Élise est surprise et me regarde avec inquiétude. Je ne veux pas de leur protection, ils vont s'en prendre plein la gueule par ma faute. Et je ne pourrais pas le supporter.
— S'il vous plaît, laissez couler cette fois...Je baisse la tête, incapable de les regarder en face. Lâche.
— Pour cette fois, si tu veux. Mais je te jure que s'il recommence à s'en prendre à toi, je n'hésite pas une seconde et je lui fais bouffer le sol !Il parle si fort que les quelques élèves qui sont dehors nous regardent avec curiosité. La sonnerie me sauve et on se rend tous en cours, silencieux et tendus.
Le reste de la journée se déroule tranquillement. Killian m'a laissé tranquille et ça m'a changé, de ne pas avoir à subir ses remarques à longueur de journée m'a fait du bien.
Dans notre chambre, le silence est pesant. Je sais qu'Axel est toujours en colère mais je ne veux pas remettre le sujet sur le tapis. C'est dans ce silence que la semaine s'écoule. Un silence tendu qui n'est rompu que par quelques mots comme "salut", "bonne nuit" et "merci".
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Boys With an A
RomanceAriel est en internat depuis son année de seconde. Cette année est donc la deuxième. Mais cette fois, il va devoir partager sa chambre avec un nouvel élève. Aimant être seul dans sa bulle, va-t-il réussir à se rapprocher de son nouveau colocataire ?