Chapitre 9 : Le quatre heures

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SHANA :

Savourant les délicieux cookies de Fred, je le regardai couver Eli du regard. Ils avaient achetés un magnifique duplex à quelques rues du petit appartement que moi et Alex partagions. Et cela me rendait heureuse de les voir aussi épanouis.

Fred passe une main sur la taille d'Eli et embrasse doucement sa tempe. J'ignore souvent ces contacts doux et passionnés, mais au fond, ça me triture.

Ce genre de relations saines auxquelles je n'avais jamais eu la chance de goûter me laissaient toujours verte de jalousie. J'étais évidemment folle de joie pour ces deux tourtereaux, ne vous méprenez pas, mais je ne pouvais m'empêcher de les envier au plus profond de mon être. Je baissais donc les yeux sur mes mains dès qu'ils s'embrassaient et se câlinaient pour mieux les éviter.

- Je descends, déclarai-je.

Cette phrase, ils la comprenaient tout les deux, au-delà du fait que j'allai m'entraîner en bas, cette phrase signifiait que je voulais m'entraîner seule. Surtout pour évacuer les émotions qui s'entassaient dans ma tête. Ils acquiescèrent en silence et je descendis les escaliers.

La porte s'ouvrit sur une grande salle tapissée au sol. De grands miroirs recouvraient les murs et le plafond si bien que je me voyais partout. Ça me donnait une sorte de contrôle que j'appréciais fortement. Je pris une arme rangée dans l'un des quatre tiroirs prévu à cet effet et la chargeais. Mon regard fixa une des cibles à l'autre bout de la pièce, je me mis en place et appuyai sur la gâchette sans même me stabiliser.

Touché.

Mon esprit vagabonda tandis que je tirais sans relâche sur les cibles. Je repensais alors à mon tout premier vol. C'était une de ces journées d'été où l'air se fait presque étouffant.

Je scannai mon ticket et attendis sur le quai que le train arrive. Après quelques minutes d'attente, il était là, bondé comme je le voulais. Je montai dedans et repérai un homme avec une mallette calée entre ses jambes. Je me mis face à lui.

- Excusez-moi monsieur, pourriez-vous m'aider sil vous plaît, demandai-je d'une voix que je voulais faible.

Lhomme sembla d'abord surpris et son visage s'adoucit lorsqu'il croisa mon regard. Pour lui, je devais être inoffensive. Mais les apparences sont trompeuses, surtout dans mon cas.

- Eh bien petite, tu t'es perdue ? Me demanda-t-il, rassurant.

- Non, il y a un homme pas loin qui n'arrête pas de me regarder, il me fait peur. Je descends au prochain arrêt, est-ce qu'on pourrait faire comme si nous nous connaissions ?

- Bien sûr, me répondit-il avec un air protecteur. Quel âge as-tu ? me questionna-t-il pour combler la gêne présente entre nous.

- Douze ans.

Et pendant qu'il me posait des questions banales, j'attirai sa mallette vers moi, priant pour qu'il y ait un jackpot à l'intérieur. Je suis descendu à l'arrêt suivant, avec la mallette. Et je n'ai plus jamais revu cet homme.

Je me rappelle de cette sensation qui a tiraillé mes entrailles les jours qui ont suivis, je culpabilisais. Et javais culpabilisé de nombreuses années après ça. Jusquà Eli.

Mais j'avais dabord commis des erreurs. Comme celle dêtre tombée amoureuse de Maxime. C'est une longue et sombre histoire qui me hantera à jamais, cette même histoire qui me réveille en sursaut presque toutes les nuits depuis maintenant 3 ans.

Je ne sais pas où est-ce que jai trouvé le courage de partir de cette situation toxique, mais ce qui est sûr, cest que je n'ai pas encore trouvé de moyen de guérir. Et je doute même de le trouver un jour. Mais peut-être, je dis bien peut-être, qu'un jour les plaies guériront et je pourrais enfin aspirer à une vie mieux que celle-ci.

The Gazelle's HuntOù les histoires vivent. Découvrez maintenant