Chapitre 2 : Les Pancakes

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SHANA :

L'air est chaud, lourd, il m'étouffe, m'écrase. Mais ce n'est rien comparé à ce que je suis en train de faire. J'y suis obligé et pourtant mes mains tremblent lorsque j'introduis ma main dans la poche arrière du jean que porte l'homme devant moi. Il ne cille pas. Il n'a pas senti ma main.

Je soupire de bonheur en ressortant le portefeuille débordant de liquide. Les touristes sont toujours des prises juteuses. Je m'éloigne vite, je cours sur la route pavée et me dirige tout droit sur un petit magasin banal. Une des lettres de la façade lumineuse clignote en continu, signe qu'elle est cassé. J'entre blasée, décidée à avoir, pour une fois, un diner de ce nom.

- Bonjour, me salue l'unique caissière avec un petit sourire de politesse.

Ses cheveux blond solaire tombent, raides, sur ses hanches magnifiquement déployées. Elle a des yeux bleus roi hypnotisant qui me fixent avec curiosité. Elle doit être à peine plus âgée que moi et elle rayonne de tant de bonheur et de joie que ç'en devient presque écoeurant. C'est une étudiante, j'en suis persuadée. Et ce boulot doit lui servir à financer ses études je parie.

Je me surprends à la détester. La haïr de tout mon coeur, elle a tout ce que je veux putain. Pourquoi elle et pas moi ? Pourquoi a-t-elle le droit d'étudier et pas moi ? Pourquoi a-t-elle droit au bonheur et à la joie alors que ça m'est interdit ? Ça ne servirait à rien de blâmer ma mère. Me donner une identité lui aurait gâché la vie. Maintenant, elle est morte. Tant mieux, ça m'ôte un poids des épaules. Elle ne m'aimait pas de toute façon.

*

Je suis déjà debout depuis une demi-heure pour préparer mon nouveau vol. Vu que cette canne est exposée dans le Louvre, il vaut mieux que j'agisse en journée, plutôt le matin pour que les rues ne soient pas bondées. Ce qui explique cette heure si matinale. Je frotte mes yeux et passe une main dans mes cheveux désordonnés. Rien à faire, ils s'emmêlent et créent des noeuds au niveau de mes doigts. Alors je soupire et laisse retomber ma main le long de mon corps encore totalement endormie. En ce moment, mes nuits sont raccourcies de cauchemars. Cauchemars où il apparait tout le temps.

Comme chaque fois que je me prépare à un vol, mon corps tremble d'une délicieuse appréhension. Après tout, si je me fais prendre, je risque le reste de ma misérable vie en prison. Peut-être que là bas la vie ne serait pas si mal, je n'aurai pas à constamment me cacher. Cette cage pourrait être le synonyme de ma liberté. Liberté...

Vivre libre, ça fait quoi ?

Pas besoin de se cacher. Pas besoin d'être constamment sur ses gardes. Pas besoin de tout surveiller, de prendre mille et unes précautions. Pas besoin de voler...

Mais je sais, au fond de moi, que je ne pourrai rien faire d'autre. L'adrénaline qui coule dans mes veines dès que je m'apprête à réaliser un vol, c'est ça qui me tient en vie. Sans elle je ne serai probablement plus de ce monde.

Je ne peux pas m'empêcher de penser à Alex. C'est lui qui s'assure que tout le monde reste dans sa zone de liberté. Je me situe où moi ? Que dirait mon colocataire s'il découvrait qui j'étais réellement ?

Je chasse ces questions ridicules de mon esprit et m'étire vivement afin de réveiller une fois pour toutes mes muscles endoloris. J'attrape une perruque au carré brun et la met vivement sur ma tête en l'ajustant de façon à ce qu'on n'aperçoive plus mes cheveux naturels. Les mèches lisses me chatouillent la mâchoire mais encadrent parfaitement mon visage. Avec ça, j'entreprend de me glisser dans ma combinaison et mes cuissardes noires. Le tissu me moule à tel point qu'on aurait pu facilement croire à une deuxième peau. Mais c'est nécessaire vu comment je me démène pour atteindre ce dont j'ai besoin.

The Gazelle's HuntOù les histoires vivent. Découvrez maintenant