Chapitre 7 : Échecs et mat

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SHANA :

Alex claque la porte, me laissant seule dans le salon comme une pauvre cruche. Il me faut alors 5 minutes pour réaliser l'ampleur de la situation. Mon colocataire est une vraie merde. Une putain de jolie merde. Et je vais pas me laisser faire.

*

Ça fait deux longues journées où je ne fous absolument rien. Je rumine, je m'ennuie et pour couronner le tout, je n'arrive pas à m'entendre avec mon colocataire.

- C'est à mon tour de regarder la télé, râlai-je les poings sur les hanches.

- J'en ai rien à branler, t'as qu'à regarder ton téléphone, réplique-t-il aussi sec en ne bougeant pas d'un poil du canapé.

- On avait dit un soir sur deux, m'énervai-je.

- Eh ben je change les règles, me répondit-il les yeux collés à son film de pacotilles.

Il m'insupporte à se croire supérieur à tout le monde celui-là putain.

À deux doigts de lui arracher les membres un à un, je prends une longue respiration et saute sur le canapé en quête de la télécommande. Malheureusement, il me devance et l'attrape en se levant. Il me surplombe de toute sa hauteur et jai beau gigoter et sauter dans tous les sens, je n'atteindrais jamais l'objet tant convoité qu'il tient au-dessus de lui. Je grogne et finis par abandonner.

Il veut jouer, il jouera. Et je sais déjà le mauvais coup que je vais lui préparer. Je renonce en soufflant et je le vois adopter toujours ce même sourire arrogant en coin tandis que je lui fais un vilain geste de la main. Il se rassoie et je me rends dans la cuisine mon plan en tête.

J'ouvre le frigo pour voir ce que je peux faire et je tombe sur les asperges et le poulet qu'avait cuisiné Alex hier. J'attrape deux assiettes et divise le contenu du plat en deux. Dans une des assiettes, j'ajoute une quantité astronomique de piment, dans l'autre, je me contente d'y déposer une pincée de sel.

Satisfaite, je réchauffe tout ça au micro-ondes et quand c'est prêt, j'amène l'assiette empoisonnée à mon colocataire d'amour.

- Merci, dit-il sans une once de soupçons.

- Avec plaisir, chantonnai-je faussement innocente en m'éloignant.

Depuis le bar de la cuisine, j'observe Alex prendre sa fourchette pleine et l'amener lentement vers sa bouche. L'appréhension noue mon ventre tandis que je le fixe, un rictus mauvais collé à mon visage. Il engloutit le plat et j'attends une réaction de sa part mais aucune ne vient. Pas même un petit toussotement ou une goutte de sueur qui pourrait perler sur son visage. Pas même un regard assassin vers moi ni une insulte. Rien.

Peu à peu je perds patience et finis par le fixer franchement en espérant qu'il dise un mot, n'importe quoi tant qu'il a une réaction.

Il met pause à son film, se lève, et viens vers moi. Il sourit même, sous mon regard ébahi. Je remarque alors ses lèvres rougies et légèrement gonflées par le piment. Mais il se contente de me dévoiler ses dents blanches et parfaitement alignées. Je reste stoïque, déçue. Il se penche alors vers moi, pose son assiette.

- C'était très bon, chuchote-t-il à mon oreille.

À ce moment précis, je hais mon corps de réagir comme cela. La peau de ma nuque se couvre de frissons et ma poitrine se soulève un peu plus vite. Je lui lance un regard noir et détourne mon visage du sien. Il ne m'aura pas aussi facilement.

- Va te faire foutre, murmurai-je.

Il s'éloigne en gloussant et mon coeur affolé se calme petit à petit. Je m'efforce de ne laisser paraître aucun sentiment, plutôt mourir que d'avouer que ce petit con me fait de l'effet. Car oui, c'est le cas. Il me fait de l'effet.

Et ça... Ça n'est pas bon du tout.

*

C'est encore le même, le seul. Le seul duquel je n'ai pas réussi à battre ou du moins à menfuir. Le seul face auquel je nai pas su me défendre. Il m'a détruite et il me détruit toutes les nuits. Je n'ai jamais réussi à oublier son visage d'ange faussement innocent. Ses cheveux de miel et ses yeux noisettes. Et il hante mon esprit, jour et nuit. Assombrissant mon quotidien déjà assez difficile.

Ses mains se referment sur mon cou.

- Fais ce que je te dis salope, mordonne-t-il.

Je croyais que c'était de lamour. J'y croyais au plus profond de mon être, j'y croyais de toute mon âme. On avait 19 ans à peine. Ses doigts attrapent une de mes mèches et il la fait rouler entre son index et son pouce.

- Excuse-moi bébé, je ne voulais pas te faire peur, dit-il d'une voix rempli de culpabilité qu'il invente sûrement.

Pourtant sa prise autour de mon cou ne se défait pas, elle s'accentue un peu plus et mon souffle se fait plus rauque. Il lâche ma mèche et passe son doigt sur mes lèvres.

- On va le faire ce soir, hein bébé.

Mon corps se tend. Pas encore une fois, non, j'en ai marre je ne veux plus. Il enlève sa main de mon cou pour me permettre de respirer. Je le regarde apeurée. Cette même peur qui la satisfait.

Son regard dur descend le long de mon corps. Et je me dis ce que je me disais à chaque fois. Ce n'est pas si grave. Je l'aime. Il m'aime. Je l'aide. Il me remerciera. C'est juste pour l'aider. C'est juste pour lui permettre de guérir. C'est la dernière fois. Après il s'arrêtera. Tu es forte Shana, tu vas réussir à surmonter ça, tu vas réussir à endurer ça. Tu le fais déjà depuis longtemps de toute façon.

Mais il ne m'aimait pas. Et ce n'était jamais la dernière fois. Il m'utilisait. Et ça lui plaisait, ça lui permettait de se défouler.

Il enleva violemment mon haut, dégrafa mon soutien-gorge en me griffant au passage et...

Non. Je ne veux pas. Non, pitié. Mon regard suppliant trouve le sien, vide. Et je sais déjà que j'ai perdu, il va le faire.

Mon cri perce la nuit déjà bien entamée. Je me redresse sur mon lit, en sueur et frotte mes yeux endormis.

Toujours le même cauchemar. Pourtant je me suis barrée de chez Maxime dès que je me suis rendue compte qu'il me manipulait. Mais je porterai toujours ces douloureux souvenirs. Aussi bien mentalement que physiquement.

- Pitié, stop, implorai-je en regardant le plafond. Je n'en peu plus, chuchotais-je.

Ce même cauchemar que je n'arrive pas à chasser de mon esprit finira par réellement m'emporter. Plus les années passent plus je réalise à quel point ça me marque. Les souvenir ne cessent de me hanter, mes mains tremblent un peu plus à chaque fois, les larmes coulent un peu plus à chaque fois, ma gorge se noue un peu plus à chaque fois.

Je laisse un sanglot échapper et appelle Peluche pour qu'elle se blottisse contre moi. Je finis par me rendormir les yeux bouffis et les lèvres gonflées par mon chagrin.

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Kisses for you bitches <3

The Gazelle's HuntOù les histoires vivent. Découvrez maintenant