Sans cœur ni âme : Traque et passion - Tome 1

Chapitre 18

 Si je devais dire quelques mots à la petite fille que j'étais, je lui dirais d'apprécier chaque moment de sa petite vie, et surtout, savourer la liberté qu'elle possède. Parce qu'un jour, sa liberté lui sera retirée.

Et ce jour, c'est aujourd'hui.

Dans la hutte de mes parents, une douzaine de femmes s'empressent de m'habiller, de me coiffer, de me rendre la plus belle possible. Au fond de moi, je suis sincèrement triste. Mais je ne montre que la façade, un joli sourire qui fait plaisir à ma mère. Malgré tout ce que je peux penser, ma tenue est magnifique. Je suis vêtue d'une robe blanche qui m'arrive jusqu'aux chevilles ainsi que d'une cape en peau et poils de yack blanche comme neige posée sur mes épaules. Une couronne de dryade est posée sur le haut de ma tête, entremêlée dans mes longs cheveux bouclés couleur châtaigne.

La pièce est emplie d'une odeur de cheminée, et décorée de gui et de pommes de pin. On entend les rires des enfants et les discussions des vikings au coin du feu. Je me crois dans un cauchemar. Je n'arrive pas à réaliser ce qu'il se passe, j'affiche un sourire alors que je ne souhaite qu'une chose : m'enfuir.

Ma mère m'accroche le dernier bracelet en or au poignet.

- Tu es parfaite ma chérie.

- Merci, mais...

- Ne t'en fais pas. Tout est prêt, tu n'as plus qu'à profiter. On ne se marie qu'une seule fois, ça va être le plus beau jour de ta vie. Et ne redoute pas la nuit de noce, si vous communiquez, tout se passera bien.

- Et si je ressentais une douleur ?

Sa mâchoire se resserre, mais elle affiche tout de même un sourire qui se veut rassurant.

- Lors de la première fois, c'est normal, tu risques de saigner un petit peu.

- Comme tout les mois ?

- Non, bien moins, seulement quelques gouttes, mais ne t'en fait pas, tout est normal, il faut que tu te laisse aller, il te guidera.

J'en ai bien peur, justement, de cette nuit de noce. Il dit ne pas vouloir me violer, mais son frère en est capable. Alors je me dit que lui aussi peut le faire. Pour réellement sceller un mariage, il doit être consommé. Un frisson me parcours la colonne à l'idée de porter l'enfant de ce monstre.

*

Pendant ce temps, dans une hutte non loin de là, le futur marié se prépare accompagné de son frère. Il ajuste sa tunique blanche et or, puis accroche sa cape en peau et poils de yack noire sur ses épaules, se retourne vers son frère qui est adossé contre le mur et lui demande :

- Qu'en penses-tu ?

- Qu'elle ne te mérite pas.

- Ryker, tu as fini avec cette histoire ? Honnêtement, est-ce assez bien ?

- Mouai.

Il lève les yeux au ciel, tourne le dos à son frère pour attraper sa boucle de ceinture en or avec laquelle il remplace la sienne pour une soirée. Ryker attrape une dague et s'approche de son petit frère avec une tonne d'idées en tête.

- Pose ça Ryker, ce n'est pas la solution et tu le sais pertinemment.

- Elle sera peut-être plus heureuse. Dit-il en jetant l'arme sur la table.

Il se retourne, attrape son frère aîné par la gorge, le regardant dans les yeux.

- C'est toi qui lui a fait et lui fait du mal, alors je te préviens, arrête de parler d'elle et surtout ne l'approche pas. Compris ?

Il le relâche, Ryker se tient la gorge et lance un regard noir à son frère.

- Sauf que moi je ne suis pas un monstre comme toi, elle va te détester. Elle ne sera pas heureuse avec toi.