Chapitre 20

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- Comment tu vas ?; me demanda la démone.

- Je pense que ça pourrais aller mieux.; lui dis-je ironiquement.


Je soutenais son regard, et elle comprit que je n'avais pas l'attention d'attendre des explications plus longtemps. Elle soupira et alla s'adosser contre la fenêtre. Elle prit une grande inspiration avant de m'expliquer que certains Djinns s'attachaient aux humains. Ils restaient à leurs côtés, et les observaient évoluer. Mais à la mort de l'être convoité, ils s'emparaient de leurs âmes, afin de désespérément rester avec l'humain qui les intriguait. Seulement, tous les sentiments du défunts s'emparent du Djinn qui les prend alors pour les siens. Cette enfant était morte sans trouver la paix, et le Djinn avait gardé son âme prisonnière tous ces siècles. C'était donc en le tuant que j'ai libéré la fillette. D'après Louise, les Djinns immatériels sont d'un naturel sage, et il n'y a que ça qui puisse les amener à user de la violence. J'avais donc sauvé cette enfant. C'était si ironique de la tuer pour la sauver plus tard ! Si ironique que cela me fit sourire. Mon regard se posa sur le lit où était Min'O précédemment, et je découvrais qu'il n'y était plus. Je m'empressais de questionner Louise du regard.


- Ne t'inquiètes pas, il va mieux depuis un moment. Il est retourné garder le portail.; me dit-elle.

- Je ne m'inquiétais pas !; rétorquais-je; mais comment ça depuis un petit moment ? J'ai dormis combien de temps ?

- Un an.


J'ouvrais de grand yeux et j'aurais juré que ma mâchoire s'était écrasée sur le sol.


- Un an ?; répétais-je en criant.


Louise plongea son regard dans le miens, esquissant un sourire en coin. Puis elle éclata de rire à ma grande surprise.


- Une semaine !; riait-elle; Oh ! Si tu avais vu ta tête !


Je grimaçais. Je me sentais tellement stupide d'y avoir cru. Je passait mes jambes au dessus du lit, et frissonnais quand mes orteils entrèrent en contact avec le sol froid. Mon corps était toujours alourdi, mais je pouvais faire avec.


- Est-ce que tu as des nouvelles de Clémence ?; demandais-je avec espoir.


Si je ne pouvais plus la surveiller grâce au miroir, j'osais espérer que Louise pourrait me donner de ses nouvelles de temps en temps. La lueur qui éclairait mon regard disparut quand je vis la démone afficher un air macabre. Je me relevais brusquement, ignorant les cris silencieux que mon corps poussait.


- Qu'est-ce qu'il se passe, encore ?; grognais-je.

- Le Djinn qui t'a provoqué a dit vrai, d'autres Djinns essaient de s'en prendre à Clémence, suivant la dernière volonté de ton dernier agresseur. Mais ne t'en fais pas, Drag l'a prise sous son aile.

- Drag ?; répétais-je surpris.

- Oui, il a pour mission de surveiller Clémence en tant que père adoptif. Il l'a enlevé de l'asile où elle était enfermée, mais elle continue de voir un psychiatre. Drag est formellement interdit de révéler notre existence à la jeune fille, elle doit nous oublier.; expliqua Louise avec un sourire attristé.


Nous oublier ? Je savais que Clémence ne m'oublierait pas, après tout, nous étions liés. Ça me tuait de l'avouer, mais Satan se montrait extrêmement généreux avec moi... Je me demandais pourquoi d'ailleurs. Était-ce seulement pour son divertissement personnel ? Ou bien y avait-il une autre raison derrière toute cette gentillesse ? Je levais les yeux vers Louise qui semblait avoir deviné ma pensée. Son visage était froid, et ses yeux sans aucune expression. J'en avais le sang glacé. Cette femme pouvait changer de comportement à tout moment, je ne pense pas qu'elle était stable émotionnellement... Elle voulait clairement que je reste en dehors des affaires du clown. Zac finit par revenir dans ma chambre d'hôpital, et la tension de la pièce se relâchait enfin.


- Maintenant que j'y pense, qui va remplacer Drag ?; demandais-je.

- Moi.; répondit Zac avec un léger sourire montrant sa fierté.


Je dévisageais le jeune homme. Toi ? Vraiment ? Un gamin qui a volé si facilement lors de l'attaque d'un Djinn ? Zac devina mes arrière-pensées et ses yeux se plissèrent, tout en s'emplissant de malice.


- Pendant que quelqu'un dormait, j'ai réunis assez d'informations pour savoir qui manipulait les Djinns.; annonça-t-il une once de défi dans la voix.


J'ouvrais de grands yeux, avant de partir dans un fou rire convulsif.


- Toi ? Tout seul ? Et comment t'es-tu débrouillé ?; riais-je aux éclats, ce qui semblait agacer Zac.

- Je l'ai ressentit quand ce Djinn m'a touché. Les démons aux yeux rouges peuvent "lire" les Djinns qu'ils touchent.; siffla-t-il entre ses crocs serrées.


Encore une nouvelle chose de découverte. C'est vrai que la plupart des démons ont des yeux jaunes, Zac est sûrement le premier démon aux yeux rouge que j'ai croisé. Non. Où en avais-je déjà vu ? Mais pourquoi seulement des démons aux yeux rouges pouvaient-ils lire les Djinns ? Avaient-ils quelque chose de spécial ? Cela attisait ma curiosité. Et je suppose que Zac ne voudrait pas me dire son secret, il avait gonflé ses poumons, fière comme un coq, il était évident qu'il allait me prendre de haut durant les prochains jours. J'attendais patiemment qu'il quitte la chambre, avant de retenir discrètement Louise par le poignet. Elle parut d'abord surprise de mon geste avant de soupirer, exaspérée.


- Ta curiosité te perdra.; murmura-t-elle avant de reprendre : Les démons aux yeux rouges... Sont des démons ayant un cœur. Ce sont d'ailleurs les seuls, et les autres démons les vénèrent pour cela.

- Pourquoi sont-ils les seuls à avoir un cœur ?


Louise grimaça, puis s'approcha de mon oreille pour y murmurer :


- Car ils étaient autrefois humains.


Je restais sidéré, et relevais un regard incrédule vers la démone. Elle affichait ce faible sourire, qui me laissait entendre que personne, même pas Zac lui même, n'était au courant. D'après Louise, si les démons aux yeux rouges apprenaient leurs origines, ils perdraient la raison, et se rapprocheraient des Djinns. Mais je n'aurais jamais imaginé que Zac était autrefois humain... Son apparence était si jeune, cela voudrait-il dire qu'il était mort à cet âge ? Cette idée me glaça le sang. Et le pire, c'est qu'il n'avait aucun souvenir de sa vie passée... Pauvre enfant. Mais ces prunelles rubis... J'étais persuadé d'en avoir déjà vu quelque part. J'enfilais un jean, un haut et une veste, avant de sortir rejoindre Zac. Les Inferno-Jets lévitaient à quelques centimètres du sol, prêts à être utilisés. Le démon se hissa sur l'un d'eux et me décocha un sourire angélique.


- On rentre ?; sourit-il en désignant mon moyen de transport.


Quelque chose dans ma poitrine se serrait quand je regardais ce visage innocent. Était-ce que les vivants appellent compassion ?


  

GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant