Chapitre 49

75 6 7
                                    


- Petit ? Tu es déjà de retour ?

Je refermais la lourde porte du bar. Icris m'attendait à une table, un verre de vin entre des doigts. Je m'avançais avant de m'attabler avec lui.

- Quoi ? Tu as vu un fantôme ?; riait-il.
- ... Tout ne s'est pas passé comme prévu. Plus important, Icris... Qu'est-ce qu'on fait dans une maison close ? Je pensais qu'on était la vraie justice.; grognais-je.

Il semblait satisfait de ma question. Il reposait son verre, un sourire enchanté aux lèvres. Ses prunelles se reportèrent sur moi.

- Tu verras.; sourit-il avant de lever son bras.

Une jeune femme ravissante vint répondre à son appel. Je me tenais instinctivement à l'écart. Qui sait ce qu'une femme pouvait faire... Son sourire charmeur s'étirait quand elle reconnu Icris. Elle se pencha vers son visage, afin que l'homme puisse lui murmurer dans l'oreille. Elle se redressa, quelque peu déçu de savoir qu'il ne venait pas pour elle. Mais elle semblait comprendre ce que voulait mon mentor. Elle repartit tout en souriant à tous ces hommes en manque de femme. Je restais silencieu tout en observant ces coureurs de jupons. Le rire des filles résonnait dans mes oreilles. Les corps se collaient les uns aux autres d'une manière indécente. Une silhouette élancée se détachait de la foule. Des yeux d'un bleu intense, contrastant avec une peau dorée; des boucles brunes et soyeuses encadraient son visage délicat; un nez un peu trop long, mais tout à fait charmant; des lèvres ni trop pupleuses ni trop fines. Une ravissante jeune femme en somme. Mais quelque chose chez elle n'était pas "normal". Je n'avais jamais vu des yeux d'un bleu aussi profond, aussi pur. Cette beauté était si parfaite qu'elle semblait artificielle, comme une poupée à laquelle on aurait insufflé la vie. Son sourire n'était pas charmeur, mais enfantin. Elle semblait s'amuser de tout comme d'un rien. Ses prunelles emplies de malice, semblaient avoir vu toutes les choses de ce monde. Pour la première fois, j'étais curieux d'une femme. Et cela m'effrayait. Elle nous demanda cordialement de la suivre, avant de refermer la porte d'une petite pièce isolée.

- Alors comme ça, tu es notre petit nouveau.; sourit-elle.

Icris confirma ses propos à ma place. Il savait que je n'aimais pas la présence des femmes. Mais qui était-elle ?

- Tu peux m'appeler Alice.

Je relevais les yeux vers elle. Ses yeux semblaient lire en moi comme dans un livre. Si mystérieuse. Si énigmatique. Alice. Ce fut ma première rencontre avec un personnage essentiel à notre Ordre. Cette maison close, accueillant des gardes, était une source d'informations cruciale pour nous. Et les filles se montraient toujours ravies de nous aider. Elles étaient nombreuses à avoir connu la faim, ou avoir perdu un proche pour une injustice. Il n'était donc pas étonnant qu'elles participent au changement de ce gouvernement. J'évitais tout de même de m'aventurer dans cette maison close. Après tout, Icris me tenait au courant de tout. Cette nuit-là, je pensais ne plus rien à voir avec cette maison close. Mais l'avenir en voulu autrement.
C'était en Novembre. J'avais pour habitude de me prélassais à la bibliothèque, où de nombreux artistes venaient promouvoir leurs œuvres. Entre deux missions sanglantes, entendre de doux vers apaisait mon esprit. Je pouvais respirer de nouveau. Je pense que si je n'étais pas de l'Ordre, j'aurais été un artiste. Pour me sentir libre. Profiter de l'admiration des gens. Enfin, j'étais aussi un artiste dans ma quête, un comédien plus précisément. Et je signais toutes mes œuvres d'un rose maculée de sang. Je prenais aussi soin de laisser mes victimes dans une position laissant croire à un sommeil paisible, tout en exposant des éléments afin de raconter leurs sombres histoires. J'arpentais les rayons de livres et de parchemins, avant que mes doigts n'effleurent ceux d'une autre personne. La chair touchée me brûlait. Je m'empressais de retirer ma main, avant de braquer mon regard sur une jeune femme. Alice. Elle semblait tout aussi surprise que moi. Puis, un tendre sourire se dessinait sur ses lèvres.

GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant