Ses petits yeux nous dévisageaient à tour de rôles, cherchant désespérément des réponses aux questions qui devaient se bousculer dans son crâne. Pourquoi réagissait-elle comme ça ? Comme si j'étais un inconnu à ses yeux... Cette pensée traversa mon esprit, éveillant en moi une terreur sombre qui me fit frissonner. Quand j'y pense, elle ne se souvenait plus de Louise. M'aurait-elle vraiment oublié aussi ...? Non, je refusais cette vérité. Je ne voulais pas la voir. Je m'avançais vers elle, le pas lourd. Chaque pas soulevait mon cœur.
- Clémence... Tu ne te rappelles plus de moi...?; finis-je par murmurer.
Elle plongea ses magnifiques prunelles dans les miennes, son regard empli de doutes, d'incompréhension, de peur et de méfiance. Je reculais d'un mètre, ma respiration coupée.
- Alors c'était vrai...; gémis-je frustré.
- Qu'est-ce qui était vrai ?; commença-t-elle d'une voix cassée; Je veux savoir ce qu'il se passe ! J'ai le droit de savoir !; cria-t-elle avant de se retourner brusquement vers Drag; Papa...
Le concerné baissa les yeux, sous le regard horrifié de sa "fille". Je me retournais vers lui, refoulant une pulsion meurtrière. Lui, il avait pu la voir grandir, s'épanouir, créer des liens familiaux avec elle, et tout ça grâce à un mensonge; tendis que moi, je l'avais surveillé toute son enfance, et elle était ma seule raison de tenir en Enfer, alors qu'elle ne me reconnaissait même plus à mon retour. Pour la première fois de mon existence, je me sentais trahit, abandonné, rejeté, et les mots me manquent pour exprimer ce nouveau sentiment naissant en moi. Je jetais un dernier regard vers Clémence, avant de serrer les dents et sortir d'un pas décidé de la pièce. Je courais à en perdre haleine dans les couloirs, avant de tomber sur une fenêtre. Il fallait que j'évacue cette souffrance. Je ne savais pas à quoi elle était dû, mais ma poitrine me faisait atrocement mal, j'avais l'impression d'étouffer. Oui; Il me fallait de l'air. Je prenais avantage de mes forces surnaturelles pour me hisser au travers de la fenêtre, et me propulser sur le toit. J'atterrissais avec délicatesse sur les tuiles pourpres, le vent frai fouettait mon visage, ébouriffant mes cheveux. Les arbres s'étendaient à perte de vue, se confondant avec le ciel rougeoyant qui les enveloppait de sa lumière chaude. Je pouvais à peine distinguer, au loin, la pierre blanche de l'église du village s'élevant fièrement en effleurant les nuages. Je poussais un long soupir, avant de m'asseoir, constatant que les tuiles étaient brûlantes, un peu comme la douleur qui persistait dans mon torse. Je souriais ironiquement. Ce lien qui nous unissait me faisait sûrement perdre la tête. Il me forçait à m'attacher à elle, et me blessait quand elle me rejetait.
- Je déteste le rôle de Gardien.; soufflais-je entre mes dents serrées.
- Ne dis pas ça.
Je ne prenais même pas la peine de me retourner. Zac vint me rejoindre, posant ses fesses sur les tuiles.
- Tu as quel âge pour bouder comme ça ?; demanda-t-il en levant les yeux au ciel.
- Je sais pas, 520 et des poussières, et toi ? Tu as quel âge pour encore avoir l'immaturité de te mêler de ce qui ne te regardes pas ?; souriais-je mesquinement.
Il leva de nouveau ses prunelles rouges au ciel, chez Zac ça devait être un tic.
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Gardien
FantasyOn m'a toujours dit... Que si je vivais une vie de débauche, je finirai en Enfer. Je n'y ai jamais cru. Pour venger la mort d'une personne qui m'était chère, j'ai rayé de la carte une famille entière. Sans faire de distinction entre les hommes, le...