Lemon & Waffles

Chapitre 2 - Arrête (1)

Après des mois à lui envoyer des messages, j'ai été récompensée de la pire des façons.

Arrête.

Chaque répétition de ce mot dans mon esprit résulte à un couteau de plus planté dans mon cœur. Un mot... un seul, reflet de tant de cruauté. Pourquoi m'a-t-il répondu de la sorte ? Pourquoi m'a-t-il quittée ? Pourquoi m'a-t-il si vite oubliée ? Tant de questions laissées en suspens.

Les larmes m'ont immédiatement brouillé la vue.

— Tu es bizarre depuis ce midi, me lance Aimee en s'agrippant à mon bras.

De l'autre main, elle tient la laisse d'Ade. Ma famille et moi marchons en direction de Red Beach. Inondée par mes pensées, j'ai dû ralentir le pas sans le vouloir. La réponse inattendue de Charles m'avait cloué au lit. L'estomac tordu dans tous les sens, j'avais rendu mon bol de céréales et n'avais pas pu assister au déjeuner. Poussée sous la douche, Aimee ne m'avait pas laissé d'autre choix que les suivre à la plage.

Charles et moi nous sommes rencontrés au lycée. Il a deux ans sur moi, mais a redoublé une classe à l'école primaire. Nous sommes sortis ensemble pendant un an et dix mois, puis, tout s'est arrêté. Il avait rencontré ma famille, elle est donc au courant de la tournure qu'a pris notre histoire. Depuis des mois, je prie pour que ce ne soit pas un point final.

— Ne me dit pas que tu as eu des nouvelles de ce connard ! chuchote ma sœur.

Malgré moi, j'esquisse un sourire. Elle a l'habitude de le traiter de tous les noms. Quand elle a appris qu'il avait rompu avec moi, j'ai dû user de toutes mes forces pour l'empêcher de lui casser la figure et d'aller taguer sa voiture.

Mon silence ne la réjouie pas.

— Casey... qu'est-ce qu'il a dit ?

— Rien.

Je lutte pour ne pas me mordre la lèvre. S'il y a bien quelqu'un qui parvient à me déchiffrer avec facilité, c'est Aimee.

— Je n'aime pas ça, déclare-t-elle en secouant la tête.

Elle me fixe du regard, avant de se détourner.

— Tu as pleuré, constate-t-elle.

— Non.

Son index s'agite de gauche à droite.

— Pas à moi, non. Je te connais par cœur, on a cohabité huit mois ensemble avant même notre naissance !

— On n'a même pas partagé la même poche. Et puis, la cohabitation n'a pas eu l'air de te plaire étant donné que tu as rompu ta poche plus tôt que prévu.

— Parce que j'avais hâte de rencontrer ma petite sœur chérie !

Face à tant d'idioties, je secoue la tête, légèrement amusée. Sur les vidéos filmées par notre père le jour de notre naissance, Aimee n'arrête pas de tendre sa main pour attraper la mienne.

— Il t'a dit quoi, qu'il t'aimait à nouveau ?

Si seulement...

— Je te préviens tout de suite, je ne te laisserai pas retomber dans ses bras !

Le menton baissé, j'observe mon ombre s'éclaircir tandis que des nuages passent devant le soleil. Aimee ne sait pas que ça fait des mois que j'envoie des messages de désespoir à Charles. Dieu seul sait ce qu'elle me ferait si elle l'apprenait. Un pincement au cœur, j'avance en silence.

L'horrible vrombissement d'une voiture nous fait tous sursauter, y compris Ade qui aboie.

— C'est quoi tous ces gamins avec ces grosses bagnoles ? Y en a depuis ce matin ! Je m'attendais à voir des mecs se balader en marinière, pas dans des voitures tunées !

— Myron aime ce type de voitures, déclaré-je.

Je connais très bien le copain d'Aimee. En fait, nous sommes amis depuis la primaire. Cela ne fait que neuf mois que lui et ma sœur sont ensemble. Avant ça, ils ne se parlaient jamais sauf pour se dire bonjour. Je n'ai pas été étonnée la première fois que je les ai vus se tourner autour parce que Myron lui lançait souvent des regards, ne serait-ce qu'un coup d'œil. D'après moi, avant de développer des sentiments à son égard, il ne la voyait que comme « la sœur de Casey », jusqu'à ce que la puberté vienne s'immiscer dans sa vie amoureuse. Les gens de notre lycée voient d'un mauvais œil mon amitié avec lui, même si ça fait longtemps que nous nous connaissons. Jamais je ne trahirai Aimee. Je lui fais confiance et elle me fait confiance.

— N'importe quoi ! Attends, je lui envoie un snap pour savoir ce qu'il en pense !

Aimee filme la voiture qui s'éloigne.

— Trop moche, commente-t-elle en tapotant sur son écran.