Chapitre 18 (2)

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* * *

Je n'ai pas rêvé du baiser. Pour une fois, mon cerveau m'a écoutée. En réalité, je ne me souviens plus de mes rêves car un cri m'a sorti du sommeil. Un cri si strident qu'il m'a débarrassé de toutes les images de mes rêves. Sur le qui-vive, je suis descendue avec un rasoir comme arme de fortune. Une valise en soute a été abandonnée près de la porte d'entrée. Je reconnaîtrais ce sticker pizza entre mille... parce que j'ai exactement le même collé sur la porte de ma chambre à Rodgertown. J'abaisse mon arme.

Putain de Myron.

Que les choses soient claires : j'aime mon meilleur ami, mais lorsqu'il débarque à l'improviste sans même prévenir sa soi-disant meilleure amie ou même sa copine au vu de sa réaction, j'apprécie moins. Qui plus est, depuis qu'il a piraté mon compte Instagram je suis partagée entre le serrer dans mes bras ou lui fracasser la tête à coups de batte de baseball.

— Oh mon dieu, lance-t-il en revenant de la cuisine, digne du plus mauvais acteur au monde, main dans la main avec ma sœur, c'est l'effroyable Casey au rasoir robe bonbon !

Entrant dans son jeu, Aimee hoquette de stupeur, la main devant la bouche. Ils s'esclaffent, tandis qu'Ade leur saute dessus. Elle fait un détour vers moi pour me donner un coup de pattes façon catcheur qui me fait vaciller.

— Toi, le menacé-je avec mon rasoir. Qu'est-ce que tu fais là ?

— Content de te revoir aussi. Votre mère m'a invité pour l'anniversaire de votre père. Je ne manquerai ça pour rien au monde.

Donc, même notre mère ne nous a pas prévenues. Sans doute, elle a voulu faire une surprise à Aimee.

Mince, pensé-je soudain. J'avais oublié l'anniversaire de papa. Je ne lui ai même pas prévu de cadeau. Quelle mauvaise fille je fais, à ne penser qu'à ma rupture, puis à Roldán... J'ignorais même qu'on organisait quelque chose probablement ce soir. Je devrais aller lui chercher un cadeau dans la matinée.

— Dire que je t'ai eu au téléphone hier soir !

— Eh bien, j'imagine qu'il n'est pas si mauvais comédien que ça, dis-je.

Myron s'incline.

— Je t'aurais bien pris dans mes bras, mais quelque chose me dit que tu n'es pas lavée, plaisante-t-il, en bas des escaliers.

Je passe une main dans mes cheveux.

— Ça tombe bien, je n'avais pas envie d'un câlin.

— Casey s'est levée du mauvais pied ce matin ? s'enquiert maman depuis la cuisine.

Je m'assois au comptoir, aussitôt rejoint par Aimee et Myron.

— Je vais bien.

Maman passe sa main sur ma joue.

— Tu ne nous as toujours pas parlé de ta soirée d'hier.

Elle porte sa tasse de thé fumant à ses lèvres.

— Ah oui, intervient Myron, tu as vu le fameux Dan hier !

Je le fusille du regard, tandis que maman rigole derrière sa tasse.

— Tu devrais venir le voir avec nous au Tiny Waffle ! s'enthousiasme Aimee.

— Pour ne l'inviterais-tu pas ce soir ? suggère maman.

— Excellente idée ! renchérit Aimee.

Myron me donne un coup d'épaule.

— J'ai hâte de faire sa connaissance.

Sur ce, je lève les yeux au plafond, m'empare d'un paquet de corn-flakes et souhaite un « Joyeux anniversaire » à mon père lorsque je le croise dans les escaliers. C'est vraiment la pagaille en bas, je préfère aller me réfugier dans ma chambre.

— Tout va bien ? J'ai cru entendre un cri.

— Il y a une surprise dans la cuisine.

Je me suis bien retenu de préciser qu'elle était mauvaise.

À la fin de la matinée, maman nous a chargés, Aimee, Myron et moi de la décoration. Traversée par un sentiment de culpabilité, je me suis motivée à les accompagner au centre-ville. Bien sûr, Aimee a tenu à ce qu'Ade soit de la partie. Je n'ai aucune idée de ce que je vais offrir à mon père. Ma mère nous a confié sa carte bancaire, mais je me vois mal lui payer un cadeau avec de l'argent qui ne m'appartient pas. Je dois avoir maximum quinze dollars sur moi, ce qui limite mes choix.

Il se trouve qu'Aimee n'a pas oublié l'anniversaire de notre père. Elle ne lui a cependant pas encore acheté de cadeau par pure sororité – elle avait la certitude que j'allais oublier et n'a même pas eu l'idée de me le rappeler. Quant à Myron, il lui a acheté un t-shirt.

— Si vous me donnez votre argent, on pourrait faire croire que c'est un cadeau commun.

— Pas question. Nous sommes ses filles, lui rappelé-je.

— Vous auriez pu faire un truc simple, comme lui préparer son petit déjeuner.

— À base de céréales ? me taquine Aimee.

Je ris jaune. Il faut croire que je suis une cible ce matin.

— On cotisera pour un truc sympa, continue Aimee, plus sérieusement. Genre, une... glace de chez...

— Si ça continue comme ça, je vais rentrer à la maison !

— N'empêche que j'aimerais bien goûter ces fameuses glaces.

— Et il a des gaufres aussi ! Par contre, je ne te conseille pas les Morning Waffles.

Je lâche un grognement et accélère le pas. Je n'ai envie d'affronter aucun des frères Waffle.

Nous dépassons Red Beach et prenons la direction du centre-ville. Derrière, j'entends leurs messes basses incompréhensibles. Il ne vaudrait mieux pas que je sache ce qu'ils sont en train de se dire, au risque de me vexer encore plus.

— Une idée de thème ? m'interroge Myron, dans le « Party Time ! », un magasin du coin.

Je hausse les épaules.

Aimee est restée à l'extérieur, étant donné que les animaux ne sont pas autorisés dans le magasin.

Lemon & WafflesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant