Mal à l'aise, pendant quelques secondes, je garde le silence.
— Est-ce que tu imagines toujours la mort de tes parents ?
— Pas tout le temps, mais c'est la vie. Pas toi ?
— J'évite. Ce serait trop déchirant.
— Je comprends.
Fin de discussion. Roldán n'essaye pas de me faire changer d'opinion, comme Charles l'aurait fait. Je ne sais pas pourquoi je les compare. Je ne devrais pas. Ou alors je devrais. Les comparer fait ressortir les défauts de mon ex, auxquels je réalise ne pas avoir prêté attention dans le passé. Ça m'aide à mieux l'oublier.
Je suis sortie avec un mec qui n'aime rien excepté rester chez lui.
Roldán attrape une de mes mèches de cheveux et l'allonge sur sa paume, la touchant du bout de l'annulaire. Ce geste me fait oublier toute pensée.
— Tu as de belles boucles.
— Pas aussi belles que les tiennes.
Il esquisse un sourire, puis secoue la tête.
— Je galère à en prendre soin.
— On dirait pas.
Roldán s'apprête à rabattre ma mèche derrière mon oreille, mais fait marche arrière au dernier moment. Sent-il cette connexion entre nous ? Dans ce cas, pourquoi coupe-t-il ce lien à chaque fois que nous sommes sur le point de franchir une nouvelle étape ? Sur le moment, je n'ai plus envie de parler... de lui parler.
Une once de regret dans le cœur, j'inspire, puis tourne les talons. Choisira-t-il de me rattraper ou de rester seul ?
Bien que j'espère que mon ouïe me joue des tours, aucun son ne quitte sa bouche. J'ai ma réponse.
— Attends.
Peut-être que j'ai parlé trop vite. Je fais volte-face. Une main tendue dans ma direction, Roldán a la bouche entrouverte.
— Je sais...
Des voix s'élèvent derrière moi. Leandro a trouvé le moyen de revenir au mauvais moment, avec le Tobey de Port Webster – le mec aux packs de bières – qui hoquette d'ivresse. Le mec me fait une sorte de révérence maladroite qui a le don de me faire reculer.
— Ça m'étonnerait qu'il soit en état de réparer quoi que ce soit, fait remarquer Roldán.
Je sens le sang bouillir dans mes veines. Pourquoi a-t-il fallu que Leandro revienne si vite ?
— Tu n'as rien dit quand ton frère a pris le volant, lancé-je dans uns seul souffle, vexée que les explications doivent attendre.
Roldán, lui, ne semble pas vexé. Non, un sourire se dessine sur ses lèvres. Celui-ci réussit à illuminer mon visage. Mon exaspération déguerpit comme s'il n'avait jamais existé. Le regard tourné vers l'horizon, je me mords la lèvre inférieure.
— Personne n'a besoin de vous ici ! maugrée Leandro.
Fort heureusement, il n'a pas remarqué nos sourires, trop occupé à éclairer le capot du pick-up, pendant que son pote y fourre ses mains – il n'a pas l'air de savoir ce qu'il fait.
— Tu veux qu'on aille se promener un peu ? m'intime Roldán, après avoir rendu le parapluie à son frère.
Je hausse les épaules, davantage en signe d'acquiescement que d'indifférence.
Nous remontons lentement la pente, vers la maison d'Eliza. La pluie s'est enfin calmée, ne nous laissant qu'un paysage entièrement mouillée et une lourde sensation d'humidité. Ma peau commence à me démanger sous mes vêtements. J'ai hâte de prendre une douche et de m'enfouir sous les couvertures de mon lit.
Un frisson parcourt mes membres, pareil à de l'électricité. Les doigts de Roldán sont entrés en contact avec les miens. Ils s'agrippent à mon auriculaire avec la douceur d'une plume, tandis qu'un brasier flambe sous mes joues.
Nous progressons dans le silence rythmé par le bruit de nos pas, ainsi que ceux des battements de mon cœur. Je veux sentir sa main entière dans la mienne, m'y agripper, qu'il m'entoure de ses bras, qu'il ne me lâche plus jamais. Sauf que je n'agis pas. Et s'il me rejetait ? Dans ce cas, pourquoi me tiendrait-il le petit doigt ?
C'est une drôle de façon de se balader. Cette pensée me détend aussitôt. Roldán s'aperçoit de mon amusement et sourit à son tour. La lune qui se reflète dans ses iris les rend magnifiques. J'imagine ma main sur sa joue, caresser sa pommette. Sans me quitter du regard, il dévie de notre trajectoire indéfinie.
Adossée à la clôture froide d'une maison, son visage s'approche du mien, alors que ses paumes trouvent ma taille. Chacun de ses mouvements m'hypnotisent. La distance qui nous sépare ne devient qu'une question de millimètres. Mes paupières se ferment.
Ses narines soufflent doucement sur la peau de mon visage. Une légère odeur fruitée atteint les miennes, celle de son chewing-gum à la fraise.
Un délicat baiser se dépose sur ma joue.
C'est l'explosion dans mon ventre.
* * *
Note n°5 :
Pourquoi je suis si heureuse ?
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Lemon & Waffles
Fiksi RemajaLa famille de Casey a loué une maison située à six heures de route de leur domicile. Les vacances ont débuté de manière agréable... pour sa famille. Casey n'avait aucune envie d'y participer, d'autant plus qu'elle ne parvient pas à se remettre de sa...