Chapitre 8 - Fashion Night (1)

30 4 0
                                    

Je m'observe dans le grand miroir de la salle de bains sous tous les angles possibles. Je plonge mes doigts dans le pot de gel pour plaquer mes cheveux en arrière. Il est déjà à moitié vide. J'ai piqué le maquillage de ma mère pour me noircir les yeux. Ça fait un certain temps que je ne me suis pas maquillée. Je n'en mets pas pour me rendre en cours, seulement pour les occasions comme celle-ci, les anniversaires, les mariages...

La veste de costume croisée dérobée dans la garde-robe de mon père cache le haut de mon maillot de bain noir – je n'ai pas trouvé mieux. Elle est si grande pour moi qu'elle cache plus de la moitié de ma jupe en similicuir. Si je me situe plutôt du côté Balenciaga, Aimee s'est plutôt dirigée vers Dior avec son bustier pailleté, sa jupe plissée qui balance à chacun de ses mouvements ainsi que les fausses perles autour de son cou.

Une fois prêtes, Aimee et moi nous rendons bras dessus, bras dessous dans la chambre de nos parents. Nous restons sur le seuil. La lumière tamisée, notre mère termine la lecture d'un bouquin, tandis que notre père, du genre couche-tôt, essaye de trouver le sommeil.

— On va à une fête ! annonce Aimee.

Notre mère nous examine de haut en bas, chacune notre tour.

— C'est quoi le thème ?

— La Fashion Week, je réponds.

— Ce n'est pas la veste de ton père ? Et mes bas ? Et mes escarpins ? ajoute-t-elle après avoir détaillé à nouveau ma tenue.

— Si.

— Ne les abîme surtout pas !

Je lève les pouces. Maman et ses affaires, c'est quelque chose.

Notre père s'agite à côté. Les paupières fermées, il nous demande :

— Où se déroule la fête ?

Nos parents n'ont pas de problème à nous laisser faire la fête, à condition de leur communiquer l'adresse, de leur envoyer un message toutes les trente minutes et de ne pas rentrer ivres ou droguées.

— Vous promettez de ne le pas le rapporter ? dit Aimee.

Notre mère arque un sourcil en posant son livre sur ses cuisses. Notre père ouvre les yeux.

— Chez les Jefferson, devine-t-il.

— Papa, t'aurais pu attendre que je le dise avant !

Il rit.

— Quelles sont les seules connaissances en commun qu'on a à Port Webster ?

— En effet, c'était facilement devinable, avoué-je.

En outre, les parents Jefferson ont dû partager aux nôtres leur lieu de destination.

— On a un bus dans cinq minutes, on vous laisse !

— Ne cassez rien, nous conseille notre mère.

— Amusez-vous bien, conclut notre père.

J'ai dû prendre dix années quand Aimee a fait ses adieux à Ade.

En seulement vingt mètres parcourus, Aimee s'est déjà fait mal aux chevilles cinq fois. Les talons, lorsqu'elle les laisse de côté pendant des semaines, ils deviennent des ennemis coriaces. Je me résous à la porter sur mon dos jusqu'à l'abribus.

— J'espère qu'il y aura du monde après tous les efforts que j'ai fait !

Par « efforts », elle veut dire mentionner mille fois la fête d'Eliza Jefferson et son thème à chaque fois que des jeunes se trouvaient dans les parages. J'ai eu droit à des « Eliza Jefferson organise une fête ce soir, tu le savais ? », « Tu sais, près de ce morceau de plage privée à l'autre bout de Red Beach ! », « Tu vas à la fête d'Eliza Jefferson, toi ? », « Comment tu vas t'habiller pour la fête d'Eliza Jefferson ce soir ? », mais encore des « Il paraît qu'il y aura une fontaine au chocolat à la fête d'Eliza Jefferson ce soir ! ». Si ce coup publicitaire n'a pas fonctionné, je commencerai fort à me questionner sur les passe-temps des ados de Port Webster, ou sur la réputation d'Eliza.

Lemon & WafflesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant