Lemon & Waffles

Chapitre 26 (2)

Je pince les lèvres alors qu'elles tremblent. Mon cœur me fait si mal que je le soupçonne de se dissiper. Roldán m'a jeté de l'acide au cœur et Shaun ne s'est pas gêné à guider son geste.

Pleurer ne m'intéresse pas, je préfère descendre.

L'après-midi, nous avons enterré Ade dans le jardin. Le vrombissement de la tombeuse à gazon du voisin ne nous a pas retenu de continuer la cérémonie. Mon père a cueilli des fleurs et les a déposées sur le tas de terre. Ma sœur est inconsolable. Elle est restée des minutes entières dans nos bras, à l'endroit où Ade repose, puis elle a acquiescé quand nous lui avons demandé si elle souhaitait un moment seule. Myron et moi ne sommes qu'à quelques mètres, installés sur des transats.

Au contraire d'Aimee, je ne désirais pas rester seule, à affronter mon malheur.

— Ce n'est pas seulement le décès d'Ade qui te tracasse, constate Myron dans un murmure.

Je secoue la tête. Il se penche vers moi, cherchant mon regard.

— Tu avais raison.

Il arque un sourcil.

— À propos de Roldán.

Un soupir s'échappe de ses narines. Sa main se pose sur la mienne.

— Je suis désolé. J'espérais vraiment me tromper à son sujet.

Je baisse les yeux.

— Qu'est-ce qui t'a mis sur la piste ?

— Tu es sûr que tu as envie d'entendre ça ?

J'acquiesce.

— Il vaudrait mieux cumuler la douleur maintenant que n'en avoir que des morceaux au fil des mois, je réponds avec une touche d'humour importune.

— Si c'est que tu souhaites.

Il s'interrompt une seconde pour s'assurer qu'Aimee va bien.

— J'étais arrivé plus tôt que prévu à Port Webster et, comme je savais que vous n'étiez pas le genre de famille à vous réveiller avant huit ou neuf heures, j'ai attendu. Je me suis baladé et j'ai mangé un bout. J'étais près d'une supérette et il y avait un mec qui se disputait au téléphone. Je n'avais pas reconnu Dan jusqu'à ce que je le voie te parler sur la plage. Contrairement à ce que tu crois, je n'ai pas fouillé ses réseaux sociaux, je me suis simplement contenté de « m'abonner ».

J'esquisse un sourire et soupire. La nostalgie.

— Et au téléphone...

— Il a eu une conversation qui t'a laissé croire qu'il voyait quelqu'un d'autre, le coupé-je. C'est bien ce qui s'est passé.

— J'ai voulu vous le dire, à toi et à Aimee, mais il était clair que vous vouliez privilégier ton bonheur à la vérité, alors je me suis tu.

Je baisse les yeux.

— Il t'a trompée ? se manifeste Aimee, arrivée dans mon dos. S'il te plaît, dis-moi que ce n'est pas vrai.

Me voilà à présent centre de l'attention. J'ai redouté ce moment. Ce moment où j'annoncerai que cette relation a résulté à un nouvel échec.

Mon silence suffit à lui apporter une réponse.

Un flot de jurons se déverse de la bouche de ma sœur, sans même s'intéresser aux détails de l'histoire. Nous la reconnaissons bien cette Aimee-là.

— Bon sang, me lamenté-je tandis que ma voix vire vers les aigus, je me demande pourquoi la malchance est toujours de mon côté quand il s'agit de l'amour.

— Mais non ! tente de me faire relativiser Myron.

— Ne dis pas des horreurs pareilles ! Casey, regarde-moi.

Les paumes froides d'Aimee m'aplatissent les côtés du visage, ses yeux humides dans les miens.

— C'était deux mauvaises expériences, ça n'a rien à voir avec de la malchance. Tu vas en ressortir plus forte. Je te le jure, le prochain sera le bon.

Je renifle. Me lancer dans une nouvelle relation n'est pas ma priorité. Quand même, je demande :

— Comment tu peux en être sûre ? Et si ce n'est pas le cas ?

— J'essaye simplement de te donner un peu de confiance, un peu d'espoir. Et si ce n'est pas le cas, je botterai le cul de tous les garçons qui te causeront du souci.

— Je n'ai pas envie d'avoir à nouveau le cœur brisé.

Elle passe une main dans mes cheveux.

— Je sais. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça ne se reproduise plus.

— Myron est ton premier copain, vous vous entendez à merveille, ne puis-je m'empêcher de comparer nos vies.

— Parce que tu es celle qui me l'a mis sur mon chemin et je ne te remercierai jamais assez pour ça !

— Moi de même, dit Myron.

— Et puis, continue Aimee, les yeux levés au ciel, qui sait quelles bêtises il fera dans le futur ?

« Aucune », articule l'intéressé sans un son en agitant l'index.

J'émets un petit rire.

— Putain, j'ai de la chance de vous avoir, je vous aime.

Je les ai pris si fort dans mes bras que Myron est tombé de son transat.