Chapitre 5 (3)

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Sans attendre une minute de plus, je trottine vers eux pour reprendre la chienne. Elle saute et lèche les bras de la petite fille qui rit aux éclats.

— Je suis désolée, elle est toujours excitée.

Sous les moqueries de son frère, Dan sort de sa cachette une fois la laisse d'Ade rattachée.

— Je ne m'attendais pas à te revoir aussi vite, lance le premier.

— Salut, dis-je.

— Comment il s'appelle le chien ? me demande la petite fille.

De type asiatique, elle a de grands yeux marron, un petit nez en trompette tout mignon et les joues roses.

— Ade. Elle a l'air de bien t'aimer.

Elle caresse la tête d'Ade.

— Je l'aime bien aussi, elle a les cheveux bouclés.

— Le pelage, tu veux dire ! la corrige le mec aux lunettes.

Je me tourne vers Dan qui épie la chienne. Ses yeux jonglent deux fois entre Ade et moi, puis s'arrêtent sur mon visage. Sur le point de m'excuser car elle l'a effrayé, il me devance pour faire une constatation :

— Tu es toute pâle. Est-ce que ça va ?

— C'est vrai que tu as l'air pâle ! confirme le frère.

— Il fait un peu chaud.

Trop chaud.

— Tu devrais t'asseoir un instant à l'ombre, me conseille Dan.

— Je vais m'acheter un rafraîchissement, je n'ai plus d'eau.

Je fouille mes poches. Bien évidemment, je n'ai pas pensé à prendre de l'argent avant de sortir.

Dan s'approche de moi, tout en gardant ses distances avec Ade. La laisse s'échappe de ma main, aussitôt rattrapée par la petite fille.

— Je peux la balader ?

— Oui, bien sûr.

— À ma portée de vue, s'il te plaît, ordonne le mec aux lunettes.

Mes prunelles plongent à nouveau dans celles de Dan. Les siennes sont noires, brun foncé quand les rayons du soleil les illuminent.

— Viens, m'invite-t-il.

Je peine à avaler ma salive. Il retire son bob pour me le mettre sur la tête. Je m'empourpre. Même un « merci » ne parvient pas à sortir.

Nous entrons dans une supérette. Le caissier, une connaissance de Dan, lui fait la conversation, pendant que nous nous dirigeons vers les boissons.

— Une préférence ?

Je secoue la tête. Nous ressortons avec un Coca, puis nous nous posons sur un banc sous un arbre. Je me détends au fur et à mesure que le sucre pénètre mes veines. Dan a les avant-bras allongés sur les jambes.

— Je te rembourserai.

— Pas la peine.

Le silence s'installe entre nous. Deux jours plus tôt j'apprenais qu'il me regardait et le voilà maintenant à côté de moi.

L'air ondule au-dessus des voitures garées sur le parking qui longe une partie de la plage. La rue piétonne est quasi déserte. Il n'y a que les commerçants qui ouvrent leurs magasins.

— Comment tu t'appelles ? s'enquiert soudain Dan, sans un regard.

Je m'éclaircis la gorge.

— Casey.

Après un moment, il dit :

— C'est le diminutif de Cassandra ?

— Non, juste Casey.

Son prénom à lui, officiellement, je me suis pas censée le savoir. Tout de même, je lui pose la question.

— Mes amis et ma famille m'appellent Dan.

— En fait, je l'ai entendu hier. Est-ce que c'est le diminutif de... ?

Je marque une pause pour réfléchir.

— Dan-iel ?

Son léger rire me fait sourire.

— Tu ne le devineras jamais, ce n'est pas un prénom commun.

— Alors c'est quoi ?

— Roldán.

Roldán. Je souris un peu plus à chaque fois que je le répète dans ma tête. Il a raison, je ne l'aurais jamais deviné. J'aime beaucoup. Ça lui va mieux. Ça sonne mieux que Dan, tout fade, alors que Roldán c'est... je ne saurais l'expliquer.

C'est juste Roldán.

Je dissimule mon sourire derrière ma canette de soda.

— C'est drôle comme prénom ?

Cette fois-ci, Roldán a haussé son regard vers moi.

— J'aime bien.

Lui aussi échoue à cacher son sourire. J'ai le ventre qui papillonne. Le vent souffle sur nos cheveux. Les siens volent vers l'arrière, dévoilant ses oreilles percées. Il s'humidifie les lèvres, je me surprends à les contempler. Elles sont roses, un tantinet gercées, avec quelques points ensanglantées. Je crois qu'il a jeté un œil aux miennes aussi. Mon cœur violente ma poitrine.

Dan met fin à notre contact visuel.

— Est-ce que ça va mieux maintenant ? Tu as besoin d'être raccompagnée ? En fait, je n'ai pas de voiture, mais je peux appeler un taxi si tu veux.

Prise de gêne, je me lève.

— Ça va mieux, merci pour le Coca. Je crois que je vais marcher.

— Tu en es sûre ?

Il m'a regardée, puis a fait mine de tousser. Je hoche la tête.

Je lance ma canette dans une poubelle.

— À plus, Roldán.

Prononcer son prénom me donne la chair de poule.

L'adresse de la maison m'est inconnue. J'espère ne pas me perdre. Au pire, je demanderais à Aimee de me partager sa localisation.

— N'oublie pas ta chienne !

Mon corps s'est immobilisée. Que suis-je bête ! Une couche de honte se rajoute à celle qui est déjà bien présente. Tel un robot, je pivote vers la plage.

— J'ai tout entendu ! Casey, tu as rencontré un garçon !

La tête de Myron se révèle sur l'écran de mon téléphone, égayé par les conversations dont il a été témoin. À présent, il se trouve dans les locaux du Marco's Pizzas, écouteurs dans les oreilles.

— Tu n'as pas des tables à nettoyer toi ?

Et je raccroche.


* * *

Note n°3 :

Pourquoi je ne lui ai pas rendu son chapeau ?

Pourquoi ne l'a-t-il pas réclamé ?

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