Lemon & Waffles

Chapitre 6 (2)

— Elle a l'air vraiment malade, me lance la fille du couple qui fait la connaissance de mes parents, une crevette entre les doigts.

Sa chevelure rousse flamboie au soleil. Des taches de rousseur sont parsemées ici et là sur son visage. Elle porte un short et un t-shirt où dépasse le haut d'un maillot de bain rouge.

— C'est notre première balade en bateau, expliqué-je.

Elle hoche la tête.

Depuis que nous sommes montés, elle est restée assise dans son coin, les épaules remontées, à regarder le paysage. Je n'ai pas imaginé qu'elle aurait eu le courage de venir me parler. Elle me paraît timide.

— Je suis Eliza.

— Casey.

C'est la première fois que je serre la main de quelqu'un de mon âge. Je me rassieds, elle me suit.

— Je vous ai entendues parler de Dan.

J'arque un sourcil.

— On est sortis ensemble une fois.

— Ah ouais ? dis-je, un brin de jalousie dans la voix.

Elle acquiesce.

Cette fille est la preuve ultime que je ne peux pas me faire d'amies filles. Elles me parlent soit pour se rapprocher d'un de mes potes, soit pour me conseiller de rester loin de leurs mecs avec qui je n'ai jamais interagis. Aimee a créé une conversation de groupe avec ses copines, dans laquelle je me trouve aussi. En toute honnêteté, je l'ai mise en sourdine car j'ai conscience qu'elles me parlent parce que je suis la sœur d'Aimee.

— Il ne laisse jamais personne lui piquer son chapeau, tu as de la chance.

L'exaspération se mêle à un sentiment d'exclusivité. Pourquoi cette fille me parle-t-elle de tout ça ? Largement, j'aurais préféré le découvrir moi-même, que Roldán me l'apprenne lui-même.

— Il s'est fait des mèches blondes ce mois-ci, ça m'a fait un choc quand je les ai vues.

Eliza prend place en face de moi.

Super.

— Vous êtes en vacances ici ou vous avez déménagé ?

— En vacances.

— Mes parents et moi aussi. On possède une maison juste à côté de la plage.

Ça a sonné comme de la vantardise. Ou alors, c'est juste moi qui ne l'apprécie pas.

— Tu veux que je lui rende son chapeau ? On est amis.

— Je lui rendrai moi-même, m'agacé-je.

Je pose mon verre avec un peu trop de violence. Du jus gicle sur la table. Maintenant, j'espère que cette conversation est close.

— Ça va, Casey ? se préoccupe mon père, venu prendre un encas.

J'acquiesce d'un signe de tête. Je m'excuse auprès d'Eliza pour rejoindre mes parents sur les filets.

* * *

À la fin de notre excursion, des dauphins nous ont fait l'honneur de leur présence. Je les ai filmées. Puis, ma mère et moi avons fait un plongeon dans la mer. Aimee a nagé avec nous pas loin de trois minutes, avant de remonter et d'aller se reposer dans une chambre du catamaran, sous la surveillance de notre père. Eliza s'est amusée à m'éclabousser comme si nous étions les meilleures amies du monde, je me suis donc résolu à monter moi aussi.

— Ah, la terre ferme ! Enfin !

Les lunettes sur le nez pour cacher sa mine abominable, Aimee s'étire. Nous traversons un ponton pour rejoindre le quai. J'ai attaché mes cheveux en une queue basse, après avoir séchés, ils ont doublé de volume. Le ciel s'est couvert. S'il se met à pleuvoir, je serai la fille la plus heureuse au monde.

— C'était sympa, non ? demande notre mère.

— On devrait visiter un musée la prochaine fois !

— Je ne suis pas sûr qu'il y ait des musées ici, dit notre père. En revanche, il paraît qu'il y a un très bel aquarium.

— Oh non ! Ces pauvres poissons enfermés dans des cages d'eau !

— Si je ne me trompe pas, on y soigne des poissons et des tortues pour les relâcher dans la mer par la suite.

J'en doute. Je me souviens de ces types qui ont péché un énorme poisson rouge.

— Ah, fait Aimee, soulagée.