Chapitre 28 - Imprévu (1)

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Dîtes-moi qu'ils rendent visite à quelqu'un qui habite dans le quartier.

— Ça te dérange si on se gare devant le garage ? m'interroge Monsieur Waffle.

Merde.

C'est bien pour moi. Qui plus est, Leandro a prononcé mon prénom deux minutes plus tôt.

Lentement, ma tête pivote de droite à gauche. Mes autres membres refusent de bouger devant l'absurdité de cette scène.

Les Waffle à Rodgertown. Devant chez moi.

Comment ont-ils trouvé mon adresse ?

Madame Waffle contourne la voiture, ses talons claquant sur le béton, pour m'offrir une étreinte chaleureuse. Mes yeux grossissent. L'odeur de son shampoing à la noix de coco emplit mes narines. Mon dieu, les rares fois où nous nous sommes croisées, nous nous sommes à peine parlé. Tout compte fait, nous avons dû nous adresser la parole une fois maximum.

— J'espère que tu vas bien, après tout ce qui s'est passé !

Moi qui cherchais à fuir mon passé, le voilà qui m'a rattrapée.

— Oui, balbutié-je.

Roldán quitte le pick-up longtemps après les autres. Au contraire de sa famille, il est caché derrière la voiture. Quelle admirable façon d'assumer ses actes ! Mon sang court dans mes veines. J'aurais préféré ne plus le revoir.

— C'est une jolie maison, constate Madame Waffle.

Elle s'en rapproche davantage afin de mieux observer. Les autres Waffle viennent me dire bonjour, à l'exception de Roldán qui garde la tête baissée. Mia se plaint auprès de son père d'avoir le ventre vide, sa mère la fait taire d'un geste.

— Qu'est-ce que vous faites à Rodgertown ? intimé-je à Leandro.

— Maman a insisté après avoir appris que tout était de la faute de Dan.

— Co-comment vous avez eu mon adresse ?

Myron apparaît dans mes pensées. J'espère que ce n'est pas encore un de ses coups.

— Grâce à ta mère, répond Madame Waffle qui nous a entendus, une aimable femme !

Bien sûr. Elle a dû les croiser à Port Webster pendant qu'elle s'arrangeait que la maison soit en ordre.

— J'ai essayé de te prévenir, intervient Roldán, mais tu as préféré me ghoster.

Ai-je entendu des reproches dans sa voix ?

— Tu penses vraiment qu'elle n'avait aucune raison de le faire ? s'exaspère Leandro.

Les mâchoires de Roldán se serrent, les miennes en même temps. Celui-là, je ne suis pas certaine de le connaître. D'ailleurs, m'a-t-il réellement dévoilé son vrai visage lors de notre courte relation ?

Basta ! gronde Madame Waffle.

— Excuse-moi, soupire Roldán.

Ces excuses sont destinées à sa mère.

Leandro hèle sa sœur qui s'approche la tête renversée en arrière, puis se baisse pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille.

— Ah, j'oubliais !

Madame Waffle accourt vers la voiture, à l'instant où une petite bouille poilue apparaît derrière la vitre arrière, restée ouverte à un quart. Le chien sautille sur place et lèche la main de Mia.

Un Tupperware surgit devant moi, entre les mains de madame Waffle.

— Pour toi et ta famille. Ce sont des patacones, une spécialité de mon pays !

Je suis si habituée à l'entendre hurler sur ses enfants que son sourire m'effraie.

— Waouh, merci.

Machinalement, je soulève le couvercle et approche mon nez du récipient qui dégage une odeur de bananes frites.

Mon cœur s'accélère quand le chien s'échappe des bras de Mia. Pas de voitures en vue. Ma poitrine se dégonfle. Leandro soulève le chien surexcité, à ses pieds. J'ignore à quelle race cette boule de poils appartient. En revanche, il ressemble à un Yorkshire au pelage terreux. Les lèvres étirées, Leandro écarte le visage pour éviter trop de léchouilles.

— Il courrait derrière une voiture quand on l'a trouvé en chemin, m'explique-t-il.

— Oh non, le pauvre.

Je lui gratouille le museau. Il a dû se sentir désespéré quand ses anciens maîtres l'ont abandonné.

— Mes parents ne voulaient pas s'arrêter pour le prendre, mais j'ai trouvé l'argument infaillible pour les convaincre.

Je hausse un sourcil, attendant la suite.

— Vous le donner, enfin surtout à ta sœur. J'ai cru comprendre qu'elle avait son petit caractère, alors je voulais d'abord te demander si c'est une bonne ou une très mauvaise idée.

Dans mon champ de vision, Roldán écrase quelque chose sous sa semelle.

— C'est une idée qu'elle trouvera bonne qu'après t'avoir accusé de vouloir remplacer Ade.

— Ouh.

— Ne t'inquiète pas, elle va sans doute céder face à cette petite bouille.

Piètre hôtesse que je suis, ce n'est qu'après une dizaine de minutes que j'invite les Waffle à entrer. J'espérais qu'ils étaient juste de passage. Madame Waffle a insisté pour rencontrer mes parents, malgré les vaines tentatives de Leandro de lui persuader de repasser. Ainsi, j'ai contacté – appelé à l'aide – mon père qui rendait visite à mon oncle Albert. Il sera là dans quinze minutes.

Lemon & WafflesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant