Chapitre 32 (4)

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— J'ai entendu dire que tu allais devenir vétérinaire. Félicitations.

Lors d'une conversation au téléphone avec son frère, sans doute. Je m'en souviens très bien. Je consultais mes résultats d'admission à l'université et Leandro avait hurlé de joie lorsque je lui avais annoncé que j'avais été acceptée. Dans mon vase de la culpabilité, l'eau augmente.

— Pas avant quelques années. Merci. Et toi, quels sont tes projets ?

— J'ai été accepté dans une école de pâtisserie, m'apprend Roldán avec un sourire qu'il tente de dissimuler.

— C'est génial ! Félicitations, je suis heureuse pour toi. Tu vas devenir un grand chef pâtissier.

— Je n'irai pas jusque-là, mais merci.

Cette fois-ci, la discussion est close. À la demande de sa responsable, Roldán doit reprendre le travail. À mi-chemin entre la plage et la boutique, il se retourne vers moi.

— Euh, fait-il comme s'il avait oublié quelque chose, Leandro m'a demandé la permission de t'inviter à sortir.

L'eau de mon vase de la culpabilité déborde. Du magma progresse sous la peau de mon visage.

— Ah oui ? m'étonné-je.

Je baisse les yeux vers mes chaussures.

— J'avais remarqué votre rapprochement, à Rodgertown plus précisément.

— Il ne s'est rien passé entre nous.

— Je sais. Ça a plus été une surprise qu'il m'adresse la parole dans le calme qu'apprendre ses intentions à ton égard, ajoute-t-il avec une touche d'humour. Je lui ai répondu de faire ce qui lui chantait tant qu'il ne te blesse pas comme je l'ai fait.

Mon cœur bat à tout rompre. Pourtant, aucune once de peine ne brille dans les yeux de Roldán. Il va tout simplement bien.

— Vas-y, m'encourage-t-il, va trouver le bonheur. Il t'attend.

De la tête, il me désigne Leandro, un peu plus loin, qui a revêtu son nouveau t-shirt.

Dans l'incompréhension, je progresse vers Leandro avec l'impression d'être poussée par les mains invisibles de Roldán. Le timing était parfait. Est-ce que les frères Waffle avaient déjà planifié leur coup ? J'en doute, aucun port websterien n'était au courant de ma venue.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? m'interroge Leandro, inquiet en voyant ma tête.

— Je trouvais juste curieux que tu sois arrivé pile au moment où on parlait de toi.

— Alors, il t'en a parlé. Ce n'est pas un piège, me rassure-t-il, je te cherchais. Je lui ai posé la question hier, sans savoir que tu viendrais aujourd'hui – Il regarde autour de lui, craignant les oreilles indiscrètes. Tu ne préfères pas qu'on aille parler dans un endroit moins public ?

Cinq minutes de marche plus tard, nous nous retrouvons dans le calme de sa voiture.

— Tu arrives à conduire avec ta main ?

— Elle me lance un peu quand je la plie, mais c'est supportable.

— Rassure-moi, ce n'est pas lui qui t'a attaqué avec de l'huile ?

— Non, me répond-il, amusé. On a parlé dans sa chambre. En fait, je répondais à tes messages, j'ai voulu m'appuyer contre le comptoir, mais ma main a préféré trouver ma poêle d'huile.

Mes yeux passent de sa main bandée à son visage.

— C'est à cause de moi ? m'exclamé-je.

— Je savais que tu allais t'accuser ! C'était un moment d'inattention de ma part.

J'esquisse un sourire, égayée par sa nouvelle capacité à deviner mes réactions.

— Je lui ai parlé parce que je n'arrivais plus à enfermer mes sentiments. Je t'aime, Casey.

Le changement de sujet me prend au dépourvu. Les derniers mots me font fondre le cœur. Leandro a eu le courage de parler à Roldán. Il s'est sacrifié pour nous, pour notre relation. Mes iris descendent vers ses lèvres.

— À chaque fois que tu cherchais Dan au Tiny Waffle, j'étais là, Casey et je te voyais, toi ! J'ai commencé à t'apprécier, comme une amie au début. Quand j'ai réalisé que je commençais à développer des sentiments pour toi, j'ai agi comme un connard parce que je savais que mon frère t'intéressait et je voulais que tu me détestes dans l'espoir de passer à autre chose. Mais tu n'arrêtais pas de te montrer gentille avec moi, en particulier quand j'étais au plus mal. Puis, il y a eu cette nuit où je t'ai trouvée sur la plage, je me suis rendu compte que mes sentiments étaient plus intenses que ce que je pensais. Cependant, à chaque fois que je pensais à toi, le visage de mon frère apparaissait dans mon esprit et je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir coupable. Vous êtes sortis ensemble, je n'avais aucun droit de tenter quoi que ce soit avec toi. J'ai vraiment essayé d'enterrer mes sentiments, mais ils ne faisaient que s'amplifier, d'autant plus que nos messages et nos appels n'aidaient pas du tout. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de lui demander la permission.

Mon pouls s'accélère. Depuis tout ce temps, il me voyait ; moi, j'étais aveugle.

— Je peux t'embrasser ?

Il me faut une minute afin d'assimiler cette question. D'habitude, la personne qui me plaît m'embrasse, sans m'interroger sur mes envies parce que, généralement, j'en ai envie aussi. Avec Leandro, j'en rêve depuis des mois. La déception me terrassait à chaque fois que je me réveillais, que je m'apercevais que ce n'était que son image fictive qui m'avait embrassée.

Leandro attend ma réponse dans la crainte.

— Embrasse-moi.

Quelques minutes plus tôt, j'étais rongée par la culpabilité. À présent, c'est l'amour qui me ronge. Ses lèvres, posées sur les miennes, me propulsent sur un nuage de bonheur, le meilleur sur lequel atterrir. Les battements d'ailes dans mon ventre se multiplient si vite que ça en devient agréablement douloureux. Mes bras entourent son cou, tandis qu'il m'attrape par la taille. Nous nous embrassons jusqu'à ne plus pouvoir respirer, pour rattraper le temps que nous avons perdu.

Les baisers qu'il dépose sur ma joue, puis sur mon cou me donnent des frissons. Mon sourire est aussi large que le sien.

— Maintenant, j'ai besoin que tu sois honnête avec moi.

— D'accord ?

De mon pouce, je caresse sa joue.

— Notre premier baiser, Mia et ses « Ton amoureuse est là ! », énuméré-je.

Leandro rit, la tête jetée en arrière. Il embrasse le dos de ma main.

— OK. Quand on s'est rencontrés pour la première fois, Mia était cachée quelque part, elle nous a vus parler et elle s'est mise en tête qu'on était amoureux. Pour le baiser, je pensais qu'on avait un moment, que tu m'envoyais des signes, continue-t-il, se moquant de lui-même, mais j'étais trop soûl pour réaliser que ce n'était rien.

— Est-ce que tu captes mes signes ?

Il se baisse de sorte à ce que ses yeux soient à la même hauteur des miens. Afin de l'aider à décrypter mes signes, je jette un coup d'œil à ses lèvres. Aussitôt, il comprend, sourit et se penche pour m'embrasser.

J'encadre son visage de mes mains. Le vert de ses yeux m'hypnotise.

— Cette année à te parler m'a permis d'apprendre à te connaître, à rire, à ne plus pouvoir me passer de toi. Par rapport aux tiens, mes sentiments ont pris du retard, mais je te le dis aujourd'hui : Je t'aime, Leandro.

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