Chapitre 16 (3)

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Du pouce, Roldán chasse une larme qui a à peine le temps de s'échapper. Avec lui, j'ai le sentiment qu'il pourrait me prendre dans ses bras et plus rien ne pourra m'atteindre. Nous sommes l'un avec l'autre, seuls, dans une bulle qui n'appartient qu'à nous.

— Désolée, j'ai cassé l'ambiance.

— Casey Lemon, tu pourrais pleurer, rire, te mettre en colère contre moi, je me lasserai pas de ta présence. « When life gives you a Casey, keep her and make her happy ». Tu sais, la première fois que je t'ai vue, au Tiny Waffle, t'avais l'air si triste. Je n'avais qu'une envie : te parler et te redonner le sourire, même si je suis loin d'être un mec drôle.

Je veux l'entendre prononcer mon nom encore, encore et encore. Ses paroles atterrissent droit dans mon cœur pour l'attendrir. Pourquoi ne l'ai-je pas rencontré plus tôt ? Jamais aucun garçon ne m'a fait une si belle déclaration. Pourtant, Charles prétendait m'aimer...

— Roldán...

C'est la seule chose parvenue à franchir mes lèvres.

— Ça fait des lustres que quelqu'un ne m'a pas appelé « Roldán ».

Ses doigts caressent les miens un par un. Nous restons longtemps dans le silence, à contempler le ciel emprunter des teintes rosées. Des moustiques viennent parfois nous embêter, à chaque fois, Roldán les chasse avec son pied pour ne pas me lâcher la main. J'apprécie l'instant présent parce que je ne sais pas quand est-ce que je serai amené à le revoir, étant donné qu'il est toujours puni.

L'air s'introduit dans mes poumons et calme un peu plus les battements de mon cœur. Je suis à peu près sûre que Roldán parvient à sentir mon pouls à travers mon poignet.

Les invités d'Elliot ont tous eu le temps de partir ; sa mère de rentrer. Il nous a fait un salut militaire avant de s'engouffrer dans sa maison, sans rien dire. Même à cinquante mètres, son regard a trahi ses pensées. Ça se voyait qu'il se retenait de nous lancer un flot de taquineries.

— Il y a au moins sept ans de cela, Leandro et moi on s'amusait sous la neige dans le jardin. Wachsmuth nous a rejoints et nous a dit qu'on ressemblait à des gaufres au sucre.

— C'est nul comme blague.

Nous nous mettons à raconter les pires blagues faites sur nos noms de famille, chassant pour de bon les images de l'accident de mon père de mon esprit.

— Mon meilleur ami s'appelle Myron Green, c'est aussi le copain d'Aimee. Une fois un mec de notre lycée leur a demandé s'ils s'appelleront les Lime quand ils seront mariés.

Le rire de Roldán me contamine aussitôt. Tout le quartier doit nous entendre. Je suis surprise que son père ne soit pas encore venu nous interrompre, je perçois ses sifflements d'ici.

— J'avoue, celle-là était bien trouvée !

— C'est la seule fois où j'ai ri.

— Je n'ai pas mieux, t'as gagné. Je...

— Casey ?

À l'instant où ma mère apparaît dans mon champ de vision, je saute du fauteuil.

— Ça fait une demi-heure qu'on te cherche !

Roldán se redresse, le regard de ma mère s'arrête sur lui.

— Oh. Est-ce que c'est... ?

— Dan, ravi de vous rencontrer, madame Lemon.

Il s'avance pour lui serrer la main. Je ne sais plus où me mettre. Pourquoi ne m'a-t-elle pas envoyé de message ? Je n'ai rien dit, elle l'a fait, en plus d'avoir tenté de m'appeler. Je n'ai même pas senti les vibrations de mon téléphone.

— Moi de même ! Je suis désolée, Casey, c'est l'heure de rentrer.

Sans résistance, je hoche la tête.

— Normalement, je ne serai plus puni d'ici mercredi prochain, m'intime Roldán, on pourrait aller quelque part... Je te tiens au courant.

Mon cœur fond. Mes yeux brillent d'impatience, d'excitation.

— Ça marche. À plus tard, Waffle.

— À plus tard, Lemon.


* * *

Je sautille vers la voiture des Jefferson, tout sourire.

— Il a l'air d'un gentil garçon.

Ma mère a rencontré Roldán Waffle avant même que nous puissions être qualifiés de couple. Je ne sais pas quoi en penser. Remarque, elle a rencontré Myron avant qu'il se mette en couple avec Aimee. Cependant, ça ne compte pas. Il n'y a pas eu de phase romantique entre eux avant des années. Enfin, je crois.

— Tu devrais l'inviter dîner à la maison, un soir.

— Maman, l'arrêté-je tout de suite, je ne vais pas faire ça.

— Pourquoi ? Ton père serait ravi de faire sa connaissance !

Est-elle sûre de ça ? Du temps où il exerçait encore son métier, il avait agressé Charles de questions. Le pauvre, il n'avait plus touché à son assiette. Ce soir-là, j'ai vraiment cru que mon père avait l'intention de postuler au poste d'enquêteur. Peut-être qu'il savait que Charles n'était pas le bon pour moi...

— On ne sort même pas ensemble !

— Ça ne devrait pas tarder.

Je ne réponds pas et me mords la lèvre inférieure, interdisant tout sourire de se former.

Seul l'avenir nous le dira.

Et je vais tuer Myron – accessoirement.


* * *

Note n°8 :

J'ai hâte.

Lemon & WafflesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant