16. Seul sur un toit

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PDV d'Izuku

           C'était le pire jour de ma vie. En fait non, tout bien considéré, c'était un jour plutôt normal pour moi, la même douleur, le même désespoir, la même solitude que d'habitude, simplement un peu plus intense.

          Réveillé avant l'aube, avant tout le monde, pour éviter de me faire frapper, restant sagement dans un coin sans bouger, sans gêner, pendant que tout le monde mangeait et se préparait, aidant de mon mieux à cuisiner, mettre la table et servir, puis débarrasser, faire la vaisselle et tout nettoyer, tout en me prenant des coups parce que je n'allais pas assez vite ou faisais des erreurs. 

          Courir jusqu'à l'école, puisque j'étais partis bien après tout le monde mais que je n'avais rien pour payer les transports, et être punit devant toute la classe par le prof parce que je n'avais pas couru assez vite et était arrivé en retard, dérangeant tout le monde. Manger un quignon de pain rance, puisque je ne valais pas l'argent et les efforts nécessaires pour me fournir un vrai repas, tout en espérant que personne ne vienne sans prendre à moi. Puis retourner en cours, me faisant tout petit au fond de la salle, trouvant un peu de consolation dans mes carnets d'analyse de super-héros. 

          Une nouvelle héroïne avait débuté aujourd'hui, mais comme j'étais déjà en retard je n'avais pu que l'apercevoir de loin, rapidement, alors que l'arrestation était terminée et qu'elle parlait aux journalistes. Dommage, j'espère que la vidéo sera sur les écrans publiques. Ou peut-être que j'arriverai à passer un peu de temps à la bibliothèque sur un ordinateur aujourd'hui... non, ils ne laissent jamais les Blancs toucher aux ordis, c'est déjà très gentils de leurs part de me laisser entrer de temps à autre.

          Bref, cette journée avait commencé comme n'importe quelle autre journée d'école. Jusqu'à ce que notre professeur principal dévoile à tout le monde que je voulais entrer à UA.

          Ça n'avait pas raté, tout le monde avait éclaté de rire, et Katchan avait éclaté tout court. Il m'avait menacé, avait ajouté de nouvelles brûlures à mon uniforme déjà rapiécé de toutes parts, puis était resté à la fin du cours pour en remettre une couche.

Incapable

Sans alter

Meurtrier

Froussard

Tu crois qu'un Blanc inutile comme toi peut devenir un héros ? Connais ta place Deku.

Ta faute

Tu devrais sauter du toit et prier pour avoir un alter dans ta prochaine vie !

          Je déglutis, chassant tant bien que mal tout ces mots qui me hantaient, toutes ses voix qui me hurlaient dessus. Mais elles avaient raison. Katchan avait raison. Je ne valais rien, je n'arriverais jamais à devenir un héros. Tout ce que je savais faire c'était mettre les autres en danger. Même All Might l'avait dit...

          Il m'avait sauvé d'un vilain gluant qui avait essayé de me voler mon corps, mais je m'étais évanoui et l'avait forcé à attendre que je me réveille pour pouvoir partir. Puis, alors qu'il sautait pour s'en aller, je m'étais accroché à sa jambe, ce qui l'avait forcé à atterrir sur un toit. Et pire encore, j'avais découvert son secret le mieux gardé, et lui avait fait perdre le peu de temps qui lui restait à pouvoir utiliser son alter, ce qui par ailleurs avait donné à sa blessure une occasion de le tourmenter, lui faisant cracher du sang. C'était ma faute, totalement ma faute, j'étais faible et dérangeais tout le monde, il avait raison.

Je suis désolé mon garçon. À une époque je pensais moi aussi qu'avec le coeur d'un vrai héros et un travail acharné, n'importe qui pourrai devenir un héros, ne serait-ce qu'un héros de nuit ou un acolyte. Mais la vie m'a prouvé que j'avais tort. Toute personne inférieure à un trois bandes ne pourrait que gêner le travail des autres et se mettre en danger pour rien. C'est beau d'avoir des rêves, mais il faut savoir être réaliste. Si tu veux tant que ça aider les autres, tu peux toujours devenir médecin ou policier. On dit qu'ils ne font que récupérer nos prises, mais c'est un beau métier.

          J'essuyai rageusement mes larmes, seul sur le toit sur lequel il m'avait laissé, plusieurs longues minutes auparavant. Il avait raison, je le savais, tout le monde me l'avait toujours dis mais je refusais de l'entendre. Peut-être parce que justement, je le savais déjà moi aussi. Ou peut-être parce que j'avais l'impression qu'abandonner ce rêve, c'était trahir une dernière fois ma mère.

          Le vent soufflait dans mes cheveux trop longs. Je regardai le vide juste au bout de mes orteils, me demandant vaguement à quel moment je m'étais autant approché du bord du toit, une partie de mon cerveau me disant que ce n'était pas une bonne idée, mais j'étais trop fatigué, trop las de tout pour réagir.

          Je contemplai le vide, débattant mes options. 

          Pourquoi mourrir ? Je pourrais enfin être en paix et revoir ma mère. Pourquoi ne pas vivre ? Pour ne plus déranger personne, pour libérer l'orphelinat d'une bouche inutile que personne ne voudra jamais adopter, pour ne plus avoir faim, dormir sur un sol dur et froid, être maltraité et ridiculisé par tout le monde. 

          Pourquoi vivre ? Aucune raison, vraiment. Pourquoi ne pas mourir ? Ce serait trahir ma promesse à ma mère.

Je suis désolée Izuku, je n'ai pas su te protéger. Souris mon héros, sache que je t'aime, et que je t'aimerai toujours. Poursuis tes rêve, garde ton sourire radieux et ton grand coeur, et deviens le plus grand héros de tout les temps, d'accord mon Mighty Junior ? Promets moi que tu n'abandonneras jamais — tousse tousse — tes rêves.

Désolé maman. J'ai essayé, vraiment, mais au final je n'aurais jamais pu être un héros pour personne.

          J'avançai un pied dans le vide, les yeux fermés. J'espérais quand même que Katchan ne s'en voudrait pas en apprenant ma mort, mais au fond il n'aurait jamais pu devenir un vrai héros avec moi dans les parages. Ma simple existence était une source de colère, de haine et de souffrances sans fond pour lui.

           Quelque chose au fond de mon esprit s'agita. J'avais l'habitude depuis quelques années, si je l'écoutais très attentivement on aurait dit l'écho d'une voix me disant de garder le sourire et la tête haute, que tout ira mieux un jour et que je finirai par trouver ma place. À mon avis c'était la voix mourante de mon optimisme enfantin, cela faisait longtemps que mon esprit normal n'avait plus ce genre de pensées.

Désolé bébé moi, la petite voix de l'espoir, mais tu te trompes. Et quand bien même quelqu'un, par miracle, m'accepterait, je ne pourrais jamais être qu'un poids mort, une bouche à nourrir inutile.

          Je basculai dans le vide. La petite voix frémit plus fort que jamais, et soudain tout s'inversa. Le vide me repoussa violemment, et me tomba dessus, m'écrasant contre le bitume du toit que j'espérais avoir quitté.

?? : Est ce que ça va ? S'il te plait, je te promets de te laisser sauter au prochain coup si tu le veux encore, j'étais sur le même toit il y a pas si longtemps, mais d'abord on discute un coup de tes raisons d'accord ? S'il te plait, je te jure que ça peut aider !

Moi : Peux... plus... respirer...

?? : Ah ! Désolée !

          Le poids qui m'écrasait disparut et je pu prendre une grande goulée d'air. Encore un peu sonné j'ouvris les yeux, et plongeai dans deux yeux noirs luisants d'une subtile lumière rouge.

NeverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant