Chapitre 24

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Mon doigt effleure l'écran de mon téléphone, ouvrant l'application Instagram. Le flux habituel de photos colorées et de selfies joyeux s'ouvre devant moi, mais mon regard est immédiatement capturé par une image qui éclipse toutes les autres. C'est Lina, mais ce n'est pas la Lina que je connais. Elle est vêtue d'un uniforme militaire, une tenue qui semble un peu trop grande pour elle. Une émotion inattendue me traverse. C'est comme si mon cœur, qui s'était arrêté depuis son départ, avait subitement trouvé un élan nouveau.


La scène figée semble à la fois surréaliste et poignante. Mon amie et son père se tiennent fièrement devant une tente militaire, bras dessus bras dessous. La neige recouvre le sol autour d'eux, mais leurs sourires transmettent une chaleur inattendue. Ils portent tous deux leurs uniformes militaires, ainsi que leurs fusils d'assaut en bandoulière sur la poitrine, canon vers le bas. Je remarque que Lina porte un bonnet sous son casque.


Par instinct je vais sur mon application météo et me renseigne sur le temps en Ukraine.


KIEV — 3 hVent — Neige — -10°


Une série de pensées tourbillonnent dans mon esprit alors que je fixe le chiffre glacial affiché sur mon écran. -10 °C. Pour quelqu'un comme Lina, qui est déjà frileuse dans des conditions normales, cela doit être incroyablement difficile. Je me demande si elle est correctement équipée pour affronter ce froid mordant. Est-ce qu'elle a suffisamment de vêtements chauds, de couvertures, de quoi se protéger du vent glacial ?


Puis, une autre réalisation me frappe de plein fouet : je n'ai absolument aucune idée de son quotidien là-bas. Où dort-elle ? Est-ce qu'elle a un endroit sûr et chaud pour se reposer ? Qu'est-ce qu'elle mange ? Autant de questions qui me brûlent les lèvres.


Je retourne sur la photo, et je me concentre sur Lina. Elle sourit, un sourire qui transmet à la fois force et vulnérabilité. Son regard dégage une détermination. Je me surprends à la fixer, m'imprégnant de chaque détail, chaque expression sur son visage, ce visage qui m'avait tant manqué depuis son départ. Un frisson parcourt cependant mon échine à la vue de ce fusil d'assaut, symbole de violence et de danger. C'est un contraste frappant avec l'image que j'ai toujours eue de Lina, cette jeune femme pétillante et pleine de vie.


Une vague d'angoisse me submerge. Mon souffle se fait court, et mes mains deviennent moites alors que mon regard reste rivé sur cette arme sinistre. Les battements de mon cœur s'accélèrent, résonnant dans mes tempes comme un tambour de guerre. Une sensation d'étouffement m'envahit alors que je réalise la réalité brutale de la situation. Elle est plongée au cœur de la guerre, tenant cette arme entre ses mains non pas par choix, mais par nécessité. L'idée de la voir exposée à un tel danger me terrifie, et je me sens impuissant, incapable de la protéger de ce monde hostile. La peur et l'anxiété me submergent, et je lutte pour garder le contrôle de mes émotions débordantes. Chaque détail de l'arme semble me hanter, amplifiant ma détresse et mon désarroi. Je ferme les yeux un instant, et petit à petit les battements frénétiques de mon cœur et mes mains tremblantes se calment.


C'est ma Lina, là-bas, dans un monde complètement différent du nôtre. Et pourtant, même au milieu de la guerre, elle conserve cette lueur d'espoir dans son regard. Mon admiration pour elle grandit encore plus, et une bouffée de fierté m'envahit. Elle est une guerrière, ma guerrière, et je suis là, à des kilomètres d'elle, à contempler cette image qui en dit bien plus que des milliers de mots.

Entre deux cheminsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant