Chapitre 27

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Ces deux premières semaines de mars avaient été intenses et chargées. Entre mes examens scolaires prévus pour le mois d'avril et la sortie de notre album en mai, le calendrier était assez serré. Nous avions donc décidé avec les Black Veil Brides de débuter la phase d'écriture et de composition de notre collaboration musicale à distance.

Chaque journée était un marathon. Après les cours, je rentrais directement chez moi pour me connecter avec mon groupe et les Black Veil Brides. Nous échangions des idées, des riffs, des paroles. Les sessions s'étiraient tard dans la nuit, épuisant mon corps et mon esprit, mais nous avancions. Les week-ends, nous nous retrouvions avec mon groupe dans notre studio pour travailler ensemble sur le son et enregistrer notre partie en version démo, afin d'avoir une idée de ce à quoi cela ressemblerait.

Pendant cette période, je n'avais presque pas de contacts extérieurs. À l'université, je croisais parfois Jade, mais nos échanges étaient brefs, des salutations rapides sans profondeur. Je n'avais pas vraiment le temps ni l'esprit à discuter de quoi que ce soit d'autre que de musique.

Lina, quant à elle, continuait de m'envoyer des nouvelles régulièrement. Ses messages et photos étaient un rayon de soleil dans mon quotidien surchargé. Elle me parlait de ses missions, même si ses récits restaient souvent flous et énigmatiques. Je comprenais qu'elle ne pouvait pas tout me dire, et cela ne me dérangeait pas. Le simple fait de savoir qu'elle allait bien me suffisait. Malgré la distance, notre complicité restait intacte. Nous nous taquinions, échangions des blagues et même quelques sextos. Ces moments intimes par message étaient quelque chose de nouveau pour nous, et j'avoue, pas du tout déplaisant.

Mais en réalité, je commençais sérieusement à ressentir un manque de moments intimes réels. Ce manque m'avait poussé à m'inscrire sur un site de rencontre, mais cela n'avait rien donné de concluant. Soit, je tombais sur des groupies dont je préférais éviter les avances, soit sur des femmes aux discussions ennuyeuses. Du coup, je me suis désinscrit.

Les Black Veil Brides arrivent aujourd'hui à Londres, pour une durée de 15 jours et doivent se rendre directement au studio. Nous les attendons déjà, moi et mon groupe. Je suis assis à la table, faisant tourner mon gobelet de café avec mes doigts, fixant le liquide noir sans vraiment le voir. Ma jambe bouge frénétiquement, reflétant mon état de nervosité croissante.


Entre l'excitation de cette deuxième rencontre et l'inquiétude grandissante due à l'absence de nouvelles de Lina, une insomnie s'est invitée presque toute la nuit, que même les somnifères n'ont pas pu combattre. Cela fait plusieurs jours qu'elle n'a pas donné de nouvelles. Notre dernière discussion remonte à la nuit de vendredi à samedi. La conversation a été soudainement interrompue lorsque Lina m'a envoyé un dernier message, disant qu'elle était appelée en urgence pour une extraction de blessés et qu'elle reviendrait vers moi plus tard. Mais nous sommes lundi et c'est toujours silence radio. C'est la première fois qu'elle s'absente aussi longtemps sans donner de nouvelles.

Une pointe d'inquiétude me traverse. J'essaie de me concentrer sur la journée qui m'attend, sur cette collaboration incroyable, mais mon esprit revient sans cesse à Lina. Qu'est-il arrivé ? Est-elle en sécurité ? J'espère qu'elle va bien, qu'elle est juste occupée au point qu'elle a oublié de me donner des nouvelles.

— Valentin, ça va ? — La voix de Hardin me tire de mes pensées. Il me regarde avec une expression préoccupée. — Tu as l'air ailleurs, mec.

J'esquisse un sourire forcé et secoue la tête.

— Ouais, ça va. Juste un peu de stress, tu sais. Les Black Veil Brides et tout ça...Hardin hoche la tête, mais je sais qu'il n'est pas totalement convaincu. Néanmoins, il retourne à ses préparatifs, me laissant à mes pensées.

Je respire profondément, essayant de retrouver une certaine stabilité. Un bruit à l'entrée attire l'attention de tout le monde. Les Black Veil Brides sont arrivés. Je me lève d'un bond, mon cœur battant à tout rompre. J'essaie de me composer un visage serein alors qu'ils entrent dans le studio.

Andy Biersack, le chanteur des Black Veil Brides, me serre la main avec un sourire chaleureux. Il a une présence magnétique qui m'apaise immédiatement.

— Salut, Valentin, ravi de te revoir. Prêt à faire de la magie ?

Je souris en retour, sentant une partie de ma nervosité fondre.

— Absolument, Andy. On est super excités de travailler avec vous.

Nous passons les premières minutes à discuter, à nous mettre à l'aise. Je suis surpris de voir à quel point il est facile de parler avec eux. Ils ont ce don de rendre les gens à l'aise, de créer une atmosphère détendue.

Les heures passent rapidement. Nous répétons, nous échangeons des idées, nous affinons le morceau. La collaboration est fluide, naturelle. Nous commençons par jouer chacun notre partie, ajustant les détails en fonction des retours de l'autre groupe. Les Black Veil Brides sont impressionnants, leur professionnalisme et leur talent sont indéniables.

Le studio résonne de riffs de guitare et de battements de batterie. Jake propose un riff énergique, et Hardin répond avec une ligne de basse qui s'entremêle parfaitement. Chacun hoche la tête en rythme, captivée par l'émergence de quelque chose de nouveau.

— Et si on essayait ça ? suggère Jinxx en ajustant les réglages de son ampli. Sa voix est empreinte d'excitation, reflétant le sentiment partagé par tous dans la pièce.

J'acquiesce avec enthousiasme, saisissant ma guitare pour expérimenter la suggestion de Jinxx. Les notes résonnent dans le studio, fusionnant avec les autres instruments pour créer un son puissant et captivant. Les sourires se dessinent sur nos visages alors que nous réalisons l'ampleur de notre collaboration.

— Ça sonne incroyable, déclare Christian avec un large sourire.

Au fur et à mesure que la journée avance, les échanges musicaux deviennent de plus en plus fluides. Les idées fusent dans toutes les directions, chacun apportant sa propre touche unique à la composition.

Il est maintenant 21 heures et je commence à ressentir la fatigue de cette première journée, mais je suis heureux. J'ai la sensation d'être sur un petit nuage. J'observe tout ce petit groupe qui se trouve dans notre studio. Un sourire en coin apparaît sur mon visage lorsque je remarque que Zack est en train de donner des conseils de guitare à Jake. J'ose à peine imaginer ce que mon ami doit ressentir. Il est littéralement en train de donner des conseils à un guitariste international. De l'autre côté de la pièce, je vois Leo parler et rigoler avec Christian, Jinxx, et Ashley. Une vague de fierté me traverse.

Andy me rejoint et me tend une tasse de thé.

— Merci, Andy. On dirait que la culture anglaise déteint sur toi, dis-je en plaisantant.

— Haha, moque-toi. Je ne connaissais pas cette marque et j'avoue que j'aime bien son goût.

Un silence s'installe entre nous et nous regardons ensemble ce joli petit monde. Andy rompt finalement le silence.

— C'est magnifique, pas vrai ? Avoue que jamais tu n'aurais imaginé ceci.

Je hoche la tête, sentant un mélange d'émotions.

— Non, jamais. C'est incroyable de voir nos deux groupes travailler ensemble comme ça. C'est un rêve qui se réalise.

Andy sourit, sincèrement.

— Tu sais, Valentin, j'aime vraiment cette collaboration. Et j'ai aussi beaucoup aimé vos deux derniers albums. Vous avez un vrai talent, toi et ton groupe.

Je suis touché par ses mots.

— Merci. Ça signifie beaucoup venant de toi. On a travaillé dur pour en arriver là.

— Et ça se voit, dit Andy. Continuez comme ça. Vous avez quelque chose de spécial.

La semaine passe dans le même état d'esprit, mais l'absence de Lina se fait de plus en plus pesante. Chaque jour qui passe sans nouvelles d'elle semble étirer un peu plus le fil ténu qui me relie à la sérénité. J'essaie de me convaincre que tout va bien, que son silence radio n'est qu'une simple complication temporaire. Mais au fond de moi, une angoisse grandissante s'installe, comme un étau serrant mon cœur avec une intensité croissante.

Je m'efforce de rester optimiste, de me plonger dans le travail avec les Black Veil Brides, mais chaque fois que je suis seul avec mes pensées, les doutes s'insinuent insidieusement dans mon esprit. Où est-elle ? Est-elle en sécurité ? Ces questions tourbillonnent sans relâche dans ma tête, m'empêchant de trouver la tranquillité d'esprit dont j'ai désespérément besoin.

Les nuits sont devenues un véritable cauchemar pour moi. Alors que le reste du monde semble s'endormir paisiblement, je me débats avec mes démons intérieurs. Les soucis concernant Lina pèsent lourdement sur mon esprit, et même lorsque je parviens à fermer les yeux, mon sommeil est troublé et agité. Les médicaments semblent à peine calmer mes tourments intérieurs, et je me retrouve à les prendre de plus en plus souvent.

Le comportement de mes amis change lui aussi au fil des jours. Hardin, voyant mon état d'esprit morose, cherche toujours à me remonter le moral. Il m'invite à boire un verre après les sessions de travail, me racontant des anecdotes amusantes pour me distraire de mes pensées sombres. Sa présence constante est un réconfort, même si nous évitons tous les deux de mentionner le silence de Lina. Je sens que c'est sa manière à lui aussi de se rassurer, de maintenir une illusion de normalité malgré nos inquiétudes croissantes.

Léopoline, de son côté, prend une approche plus expressive. Chaque soir, elle noie le groupe de discussion WhatsApp avec ses peurs et ses doutes concernant la disparition de Lina. Ses messages, empreints d'inquiétude et de désespoir, agissent comme un rappel constant de ma propre anxiété. À chaque notification, mon cœur se serre un peu plus, mes pensées s'embrouillent davantage. Je prends alors la décision de mettre le groupe de discussion en sourdine, espérant ainsi échapper temporairement à ce flot incessant de préoccupations.

Quant à Zack, il reste étrangement silencieux sur le sujet. Parfois, je le surprends à me regarder avec une expression préoccupée, mais il détourne rapidement le regard dès qu'il se rend compte que je l'ai remarqué. Son attitude réservée me laisse perplexe, mais je décide de ne pas insister, respectant son besoin de garder ses pensées pour lui-même.

Un soir, après huit jours de silence, dans un élan de désespoir, je me rends sur le profil Instagram de Lina. Je fais défiler les photos, cherchant un indice, une réponse. Puis, soudain, je bloque sur une photo. Lina y sourit largement, faisant un signe de V à l'objectif. En arrière-plan, je reconnais Piotr. Je me concentre sur la légende de la photo. Un compte avec une écriture cyrillique est tagué. Mon cœur bat plus fort alors que je clique dessus.

Le profil s'ouvre et je découvre qu'il s'agit du compte Instagram de Piotr. Contrairement à celui de Lina, ce compte est totalement différent. Ses publications montrent plus de choses sur la guerre. Des photos de lui apparaissent, certaines en uniforme militaire, d'autres dans des moments de détente. Sur certaines photos, il est accompagné de différents camarades de combat, dont Lina.

Je commence à visualiser plusieurs vidéos. Je comprends rapidement que Piotr porte une sorte de GoPro sur son casque. On le voit courir, se cacher, attendre dans une tranchée. L'intensité des scènes est palpable, chaque instant capturé montre la brutalité du conflit. À un moment donné, on le voit porter un brancard avec un blessé dont le visage est flouté, et je remarque Lina qui porte l'autre côté du brancard. Le visage de mon amie est concentré et sérieux.

Une autre vidéo attire mon attention. Je vois Piotr et Lina avec leurs autres camarades, assis autour d'un feu de camp. Les flammes dansent dans la pénombre, illuminant leurs visages fatigués, mais souriants. Lina rit à une blague racontée par l'un des soldats, son rire résonnant dans l'obscurité, illuminant son visage de bonheur. En entendant ce son, un sourire se dessine sur mes lèvres et il me réchauffe le cœur.

Cependant, malgré ce moment de réconfort, une vague de tristesse m'envahit. J'ai passé des heures à chercher des indices, des preuves de pourquoi Lina reste silencieuse, mais je n'ai trouvé aucune réponse. Je me sens toujours aussi perdu, incertain de ce qu'elle traverse.

Pourtant, je ne peux m'empêcher de revenir plusieurs fois sur cette vidéo, juste pour réécouter son rire. C'est comme une bouffée d'air frais dans l'obscurité de mes inquiétudes.

Entre deux cheminsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant